Fragmentation des espaces ruraux

Fragmentation des espaces ruraux

Il est possible de définir dans un premier temps les espaces ruraux comme des espaces non-urbains. Initialement consacrés pour la plupart à l’agriculture ou à l’élevage, aujourd’hui les espaces ruraux se sont diversifiés. Que signifie le terme « fragmentation » ? Les espaces ruraux ne sont pas homogènes. Ils ne sont pas consacrés à une activité unique et ont subi un certain nombre de transformations sociales et économiques qui les différencient les uns des autres. Il est possible de classifier les espaces ruraux dans le monde en grands types.

 

I. Situation des espaces ruraux

 

A. Un monde encore rural

Même si la population urbaine est devenue majoritaire dans le monde il y a environ une dizaine d’années, les espaces ruraux sont encore très nombreux et à l’échelle planétaire, le monde est encore un monde rural. Aujourd’hui, les « ruraux » (ceux qui n’habitent pas en ville) sont 3,4 milliards. Cela correspond à environ 45 % de la population mondiale. Cependant, parmi ces 3,4 milliards de personnes, seules 1,3 milliard sont des agriculteurs. Les gens habitant dans des espaces ruraux ne sont donc pas forcément impliqués dans la production agricole. Les espaces ruraux représentent 40 % des terres émergées à l’échelle mondiale, dont les trois-quarts sont des pâturages, des terres d’élevage extensif, par définition gourmand d’espace. La Chine, l’Inde et l’Afrique subsaharienne totalisent 60 % des habitants en zone rurale dans le monde. La population rurale est donc très inégalement répartie à l’échelle mondiale.

 

B. Des systèmes agricoles variés

Actuellement, il existe deux grands systèmes agricoles principaux dans le monde :

– les systèmes agricoles productivistes, dont le but est souvent l’exportation des denrées agricoles,

– l’agriculture vivrière, ou « petite agriculture », dont la fonction première est de nourrir la population locale et qui dégage moins d’excédent pour l’exportation.

 

L’agriculture productiviste est le système le plus largement utilisé dans les pays des Nords ou « pays développés » mais aussi dans certains pays émergents, comme le Brésil, l’Afrique du Sud ou la Malaisie, où la culture de l’huile de palme fait aujourd’hui polémique mais appartient à cette catégorie d’agriculture destinée à l’exportation.

La « petite agriculture » est l’agriculture prédominante en terme de nombre d’agriculteurs puisque c’est le type d’agriculture qui nécessite le plus de main d’œuvre. À l’échelle mondiale, les « petits » agriculteurs représentent 80 % de la totalité des agriculteurs. Surtout localisée dans les pays des Suds, la « petite agriculture » est aujourd’hui valorisée dans les Nords car elle correspond à une « agriculture paysanne » et traditionnelle, perçue comme productrice de produits plus sains et meilleurs.

 

II. Quelles sont les recompositions à l’œuvre ?

 

A. Recul et transformations de l’activité agricole

On constate un recul de l’activité agricole dans le monde à travers le recul de la population rurale mondiale et le recul des actifs agricoles sur la planète. Ce recul des actifs agricoles est particulièrement visible dans les Nords.

L’exemple de la France : 20 % de la population française est une population rurale, ce qui représente environ 12 millions de personnes. Cependant, seuls 2,5 % sont agriculteurs, ce qui représente seulement 850 000 actifs.

Ce recul de la population agricole est moins visible dans les Suds (Afrique, Asie du Sud-Est, Amérique latine), qui connaissent encore aujourd’hui une croissance démographique très importante qui ré-alimente en population ces espaces ruraux. À l’origine de ce recul de la population agricole se trouvent les modifications techniques productivistes, la démocratisation de la mécanisation de l’activité agricole, l’usage des intrants (engrais, irrigation) et la mise en valeur de nouveaux espaces destinés à l’agriculture productiviste d’exportation qui emploie moins de monde.

Le phénomène du « land-grabbing » ou l’accaparement de terres par des grandes puissances peut concerner ces nouveaux espaces. Par exemple, la Chine, dans le but d’assurer la sécurité alimentaire d’une population grandissante, achète des terres en Afrique et les utilise pour produire des denrées alimentaires destinées aux pays acheteurs.

 

B. Un lien plus fort avec les activités non-agricoles

Il y a toujours eu dans les espaces ruraux des activités non-agricoles. Les activités industrielle ou artisanale, par exemple, ne sont pas des activités agricoles mais sont assez largement répandue dans les espaces ruraux. L’activité artisanale persiste particulièrement dans les Sud,s où elle permet aux habitants d’obtenir un complément de revenus, comme en Inde, par exemple.

Aujourd’hui, les espaces ruraux des pays du Nord sont souvent également devenus des espaces touristiques accueillent donc des activités de loisirs.

Les espaces ruraux peuvent aussi accueillir des activités économiques résidentielles.

 

C. Des dynamiques démographiques et sociales

D’un point de vue démographique, ces espaces ont tendance à perdre des habitants et sont sans doute moins denses qu’ils ne l’étaient autrefois. Ce sont des espaces parfois vieillissants. C’est le cas dans les pays du Nord comme en Europe ou aux États-Unis, où la population rurale est une population plutôt vieillissante par rapport à la population urbaine.

Ces espaces subissent également des transformations sociales, par exemple à travers le phénomène des néo-ruraux, c’est-à-dire de personnes qui choisissent d’aller vivre à la campagne pour y vivre dans des conditions plus agréables.

Ces espaces ruraux sont transformés par un ensemble de facteurs qui ont des conséquences sur les paysages. Les espaces ruraux ne correspondent plus forcément à l’espace « campagnard » des images d’Épinal que l’on peut avoir en tête. Ils peuvent être transformés par des activités industrielles ou de loisirs, ou encore par les voies de communication.

 

 

Il existe cependant toujours des espaces ruraux très agricoles dans leur image et leur perception, comme on peut le voir sur la photographie ci-dessus, qui immortalise un espace rizicole des Philippines. Sur cette photographie, on constate que l’activité agricole a profondément marqué le paysage.

 

III. Des espaces fragmentés

 

Pour bien comprendre la fragmentation des espaces ruraux, il est nécessaire de mener une réflexion à différentes échelles (pluriscalaire). Il existe des fragmentations à l’échelle mondiale, notamment entre les Nords et les Suds, mais également des fragmentations à l’échelle régionale, et aussi à l’échelle locale.

 

A. Des différences Nord/Sud majeures

L’agriculture « vitale » ou « vivrière » est surtout présente dans les Suds. Il s’agit d’une agriculture dont le but est de subvenir aux besoins alimentaires de ses exploitants. Elle est le plus souvent absolument nécessaire pour assurer la survie des agriculteurs.

Dans les Nords, on parle parfois d’agriculture « marginale ». Ce terme se réfère au fait que l’agriculture a une part relativement faible dans le PIB des pays développés. En France, par exemple, l’agriculture ne représente que 3,5 % des richesses produites par an. Par ailleurs, dans les Nords, l’autosubsistance alimentaire est assurée depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. On n’y craint plus la famine et donc l’activité agricole apparaît moins vitale qu’elle ne l’est dans les Suds.

Les Suds sont fragmentés selon le type d’agriculture pratiquée, et il faut distinguer l’agriculture familiale (vivrière), très majoritaire, de l’agriculture productiviste. Il existe en effet de grandes exploitations dans certains espaces des Suds. Par ailleurs, les deux types de production ne sont pas exclusifs l’un de l’autre, car des agriculteurs pratiquant une agriculture familiale peuvent également travailler dans de grandes exploitations productivistes.

 

B. En fonction des activités

Il existe aussi une fragmentation des espaces ruraux en fonction des activités qui y sont pratiquées. Les espaces ruraux ne sont pas uniquement dévolus à l’agriculture et se fragmentent en fonction du type d’activité qu’ils pratiquent de façon dominante.

 

C. En fonction du lien avec la ville

Plus un espace rural est lié à un espace urbain (ville), plus il est intégré et dynamique et moins il est « purement » rural. C’est l’idée à laquelle renvoie l’expression péjorative de « rural profond » qui désigne les espaces ruraux qui ne sont pas « connectés » à la modernité. Ces espaces sont aussi appelés des « espaces de déprise » dans les Nords parce qu’ils sont abandonnés. Le postulat au fondement de cette vision des choses est la suivant : la ville est bénéfique et moderne. Ainsi, si un espace est connecté à la ville, que ce soit par les activités, les transports ou par des échanges de population, au Nord comme au Sud, c’est un espace plus dynamique.

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