L’homme et l’animal de la Renaissance à l’âge classique

L'homme et l'animal à la Renaissance et à l'Âge classique

La question du rapport entre l’homme et l’animal et de leur position respective n’a pas vraiment été traitée avant la Renaissance puisqu’à l’Antiquité, Aristote pose un certain nombre de définitions dont le Moyen Âge hérite puis reprend sans les remettre en question. À la Renaissance, à l’opposé, on a une remise en question de ces rapports. Ce sont les raisons pour lesquelles nous exposons ici les positions de Montaigne et de ceux qui vont le suivre pour définir ce rapport entre l’homme et l’animal.

 

I. Montaigne, Essais, XVIe siècle

 

À la Renaissance, dans les Essais de Montaigne, il y a une « Apologie de Raymond Sebon » (partie II, chapitre 12). C’est un titre singulier pour traiter des rapports entre homme et animal. En réalité, il reprend une théorie d’un ouvrage écrit par Raymond Sebon qui a pour titre Théologie naturelle. Raymond Sebon y attribue une intelligence et un langage aux animaux, à rebours de tout ce qui se faisait à son époque. Montaigne s’intéresse à ses positions et les reprend à son compte en les interrogeant.

C’est le principe des Essais de prendre des opinions présentes chez des auteurs antiques ou contemporains et de les confronter avec ses propres opinions pour essayer de former un jugement le plus nuancé et le plus sûr possible. C’est ce que fait Montaigne concernant les rapports entre hommes et animaux. Il essaie, lui aussi, de privilégier l’idée qu’il y a une intelligence et un langage animaux.

Cette position est également celle des libertins érudits, au XVIIe siècle (Pierre Charon, Gabriel Naudé, Gassendi ou La Mothe Le Vayer). Ils n’ont pas forcément consacré tout un ouvrage sur l’homme et l’animal mais l’on peut y retrouver des développements ponctuels sur cette question.

 

II. Ambroise Paré, Des monstres et des prodiges, XVIe siècle

 

Ambroise Paré est un médecin et quelqu’un qui observe les êtres vivants en général. Il rédige le traité Des monstres et des prodiges où il décrit ce que l’on peut désigner comme des irrégularités dans la nature, dans le règne humain et animal. Il décrit les monstres qu’il a pu voir, humains et animaux. En effet, en tant que médecin, il a assisté à des naissances étranges ou à dû traiter des cas médicaux particuliers.

« Montres » et « prodiges » sont à prendre dans un sens assez proche.

Le monstre est celui qui est fait pour être montré, exhibé, cela vient du latin monstrare.

Le prodige est ce qui se distingue, ce qui semble merveilleux, admirable, différent. Ce n’est pas forcément une admiration béate, « admiration » signifie aussi ce qui est fait pour être regardé.

Parmi les animaux décris comme des monstres, il choisit la baleine, l’autruche et la girafe parce qu’ils sont gigantesques. Pour l’autruche et la girafe, c’est surtout par rapport à leur cou et pour la baleine, c’est par rapport à sa taille en général.

Au moment où il décrit ces animaux, Ambroise Paré se rapproche de la démarche des gens du Moyen Âge qui écrivaient des bestiaires, c’est-à-dire une liste de tous les animaux. Parmi ces bêtes, la baleine était considérée comme le plus gros poisson existant (on n’avait pas conscience que c’était un mammifère et Ambroise Paré non plus). On lui attribuait des vertus spécifiques. Les vertus positives de la baleine au Moyen Âge deviennent des caractères monstrueux à la Renaissance avec Ambroise Paré.

Ainsi, il y a une perception de l’animal qui change en fonction des périodes historiques.

 

III. Descartes, Discours de la méthode, XVIIe siècle

 

À l’âge classique, Descartes est quelque peu fondateur dans la pensée du rapport homme-animal au XVIIe siècle puisqu’il attribue une conscience à l’être humain, à la suite de toute sa réflexion et de sa découverte de l’existence du cogito.

Descartes constate que nos sens nous trompent puisqu’il y a des illusions d’optique qui font que l’on ne peut pas s’y fier totalement. Il décide d’être radical dans son doute et se dit que puisqu’il a été trompé une fois, il peut être trompé toujours. Il se demande alors ce qui lui reste, s’il ne peut plus se fier à ses sens. Il arrive à l’évidence qu’il est au moins sûr qu’il existe, puisqu’il pense qu’il existe, il a conscience d’exister. C’est ce qu’il formule dans les deux formulations : « Je suis, j’existe » et « Je pense donc je suis ». C’est ce que l’on appelle le cogito puisqu’en latin, « cogito ergo sum » signifie « Je pense, je suis ». Il attribue ce cogito à l’être humain et il en différencie l’animal puisque selon lui l’animal n’a pas cette conscience de lui-même. Cela pose une distinction forte entre l’homme et l’animal.

 

IV. Malebranche, La recherche de la vérité, XVIIe siècle

 

Cela est repris par Malebranche qui est un grand lecteur de Descartes. Dans La recherche de la vérité, Malebranche va plus loin puisqu’il continue à douter, comme Descartes, que l’on puisse se fier à ses sens mais il ne trouve pas la démonstration de Descartes totalement convaincante.

Comme il est croyant, Malebranche pense que c’est Dieu qui fait en sorte que l’on n’est pas trompé. Il y a déjà un peu de cette idée chez Descartes mais Malebranche va plus loin. Il dit que c’est Dieu qui articule les effets aux causes et que si, lorsque je tape, cela fait du bruit, c’est parce que Dieu intervient pour qu’il y ait un bruit au moment où je tape.

Par conséquence, pour Malebranche, quand un chien aboie quand on le frappe, ce n’est pas qu’il a mal mais c’est parce que Dieu intervient pour le faire aboyer. Malebranche reprend donc la distinction de Descartes par rapport à la conscience entre homme et animal, en disant que les animaux n’ont pas de conscience et, en allant encore plus loin, les animaux n’ont pas non plus de sensations (de la douleur ou du plaisir) et que c’est un effet purement mécanique qui fait aboyer le chien quand on lui donne un coup de pied. C’est la position de Malebranche qui nous semble aujourd’hui assez étrange mais qui, à son époque, ne l’était pas du tout.

 

Conclusion

 

La conception du rapport entre homme et animal a beaucoup changé et elle mérite d’être interrogée, y compris en allant voir des textes très différents sur cette position. Entre le XVIe siècle et le XVIIe siècle, on n’a pas du tout les mêmes positions. Au XVIIe siècle, il y a plutôt des positions qui relèguent l’animal comme un être vivant très basique, ce qui s’oppose à la position des libertins érudits, à la même époque, qui eux, sont plutôt dans le sillage de Montaigne et de Raymond Sebon.

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