Les guerres israélo-arabes

Le Moyen-Orient et les guerres israélo-arabes - Partie 1

Le Moyen-Orient est une région souvent caractérisée comme un arc de crises et un arc de guerres. Les guerres israélo-arabes ont été caractérisées par l’historien Elie Barnavi de « nouvelles guerres de cent ans », puisqu’elles ont débuté il y a à peu près un siècle pendant la Première Guerre mondiale et durent encore de nos jours. Les guerres israélo-arabes sont depuis une succession de batailles entre des armées régulières et d’affrontements asymétriques et irréguliers ponctués de trêves, sans solution de paix d’ensemble.

Ces guerres opposent plusieurs protagonistes. D’abord Israël, dont la création en 1948 a immédiatement suscité une guerre avec les États arabes voisins qui refusaient la création d’un État juif en plein Moyen-Orient. Puis les Arabes de Palestine qui revendiquaient une terre et contestaient une terre aux Israéliens. Ce conflit implique l’ensemble des pays de l’Organisation islamique mondiale, qui sont plus de 50, et défendent la cause palestinienne. Ce conflit a aussi une résonance mondiale au sein de l’ONU avec l’intervention de grandes puissances extérieures, notamment les États-Unis, l’Europe et la Russie. Il s’agit donc d’un conflit localisé qui a des enjeux régionaux et mondiaux. Selon Henry Laurens, la grande question est de savoir comment ce petit conflit localisé est devenu un enjeu régional et mondial en raison d’un engrenage infernal ?

 

I. Un conflit aux racines anciennes

 

Il faut remonter à la Première Guerre mondiale, lorsque l’Angleterre, grande puissance coloniale en Méditerranée et au Moyen-Orient, promet aux Juifs et au mouvement sioniste (créé par Theodor Herzl au XIXe siècle) l’avènement d’un foyer national juif au sein de l’Empire ottoman en pleine déliquescence. C’est Lord Balfour qui fait cette promesse aux Juifs. Dans le même temps, les Anglais cherchent à favoriser un soulèvement arabe sous la houlette de l’émir Fayçal de la péninsule arabique du Hedjaz contre les Ottomans pour remporter la guerre, et négocient avec les Français un partage du Moyen-Orient.

C’est de cette situation que naît l’affrontement des années 1920-1930. Dans les années 1920, beaucoup de Juifs sionistes arrivent en terre de Palestine, sous mandat britannique. Les britanniques ouvrent les portes à l’immigration juive sioniste d’Europe et on passe rapidement de 50 000 à 550 000 Juifs en Palestine. Face à cela, les populations autochtones arabes se révoltent, ce dont témoigne la grande révolte arabe de 1936-1939. Il s’agit donc d’un affrontement entre Juifs et Arabes, mais aussi contre les Anglais à travers le terrorisme. C’est d’ailleurs après l’attentat de l’hôtel King David à Jérusalem en 1946 que les Anglais décident de se retirer du pays et de soumettre le problème à l’ONU nouvellement créé. En 1947, l’ONU propose alors un plan de partage de l’ancienne Palestine sous mandat britannique, avec un État juif, qui représenterait 55 % du territoire pour 30 % de la population, et un État arabe dont les populations sont majoritaires mais qui n’obtient qu’une petite partie du territoire, d’autant plus que les villes saintes ont un statut international. Ce plan de partage et la création d’Israël en 1948 donne lieu à la première guerre dans la zone.

 

II. La naissance d’Israël et sa « guerre d’indépendance » (1948-1949)

 

La première guerre internationale a lieu en 1948-1949, au moment de la proclamation de l’État d’Israël par David Ben Gourion en mai 1948. Les jeunes États arabes voisins prennent les armes pour affronter le jeune État juif, qui résiste en se constituant une armée très puissante et qui finit par remporter la guerre. C’est ce que les Israéliens appellent la guerre d’indépendance, qui se conclut par l’armistice de Rhodes, sans traité de paix. Cet armistice stipule qu’Israël va augmenter son territoire jusqu’à 78 % de l’ancienne Palestine mandataire, pour seulement 30 % de la population. L’Égypte récupère la bande de Gaza et la Jordanie récupère toute la zone à l’Ouest du Jourdain qu’on appelle la Cisjordanie.

Les grands perdants de cette guerre sont les Palestiniens, pour qui cela est une catastrophe (la Nakba). Une partie des Palestiniens va vivre en territoire israélien sans jouir des droits de citoyenneté, une autre partie part en exil, environ 700 000 personnes, ce qui constituera ainsi une grande diaspora au Moyen-Orient. Les Palestiniens qui ont abandonné leur terre en fuyant ont favorisé un processus de judéisation et d’accueil de nombreux Juifs qui vivaient dans le monde entier, notamment les rescapés de la Shoah. C’est ainsi qu’en 1951, l’assemblée israélienne, la Knesset, a promulgué la « loi du retour » qui permet à n’importe quel Juif de la planète de venir vivre en Israël. À l’issue de cette première guerre israélo-arabe, les pays arabes voisins n’ont pas désarmé et n’ont pas reconnu Israël.

 

III. Une longue série d’affrontements armés, de Suez (1956) au Liban (1982)

 

La guerre de Suez, en 1956, a été menée par Israël, alliée à la France et au Royaume-Uni pour faire tomber Nasser, le président égyptien qui appelait à la destruction d’Israël, en plus d’être l’ennemi des Anglais et des Français parce qu’il soutenait le FLN et avait nationalisé le canal de Suez. C’est une défaite militaire pour Nasser mais une victoire diplomatique car Nasser a été soutenu par les superpuissances de l’époque et la communauté internationale ce qui a forcé les Israéliens à se retirer.

La guerre des Six Jours, en 1967, est une guerre préventive menée par Israël à nouveau contre Nasser et ses alliés arabes pour éviter une tentative de revanche militaire des Arabes. On a cru que cette revanche arriverait en 1973, quand les armées arabes coalisées ont attaqué Israël pendant la fête religieuse du Kippour. En octobre 1973, l’armée israélienne est prise par surprise. Il a fallu une contre-offensive militaire exceptionnelle menée par le Général Sharon pour renverser le sort des armes. 

En 1982, au Liban, on considère que c’est une énième guerre israélo-arabe. Le Liban est entré en guerre civile en 1975 et depuis le sud du Liban, le Hezbollah, le « parti de Dieu » soutenu par l’Iran, envoie des roquettes sur Israël. Israël intervient militairement lors de l’opération Paix en Galilée, occupe le sud du Liban et combat les armées de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) de Yasser Arafat.

Lors du conflit civil, les Palestiniens eux-mêmes ont pris les armes, ont combattu de l’extérieur et de l’intérieur. À la fin des années 1950, Yasser Arafat a créé parmi les Palestiniens en exil le parti du Fatah, le « parti de la liberté », qui a commencé à attaquer Israël par des raids avec des objectifs de détruire les grands travaux hydrauliques commencées par Israël dans les années 1960.

Après la défaite de 1967, le terrorisme de Georges Habache s’ajoute à l’action du Fatah à travers le Front de Libération de Palestine, d’inspiration communiste plus que nationaliste, et à l’action de l’OLP menée par Yasser Arafat créé en Israël même par la Ligue arabe. Ils combattent donc de l’intérieur l’État d’Israël.

 

Conclusion

 

Il s’agit donc d’un conflit multiscalaire et multiforme, confit international et conflit local.

Le Moyen-Orient et les guerres israélo-arabes - Partie 2

Si on a présenté ces guerres comme une guerre de Cent ans selon les travaux d’Elie Barnavi, c’est bien qu’il ne peut pas y avoir de paix signée, uniquement des trêves. Pourquoi les tentatives de paix n’ont été que partielles et avortées ?

 

I. Des tentatives de paix partielles et avortées

 

La guerre des Six Jours de 1967 permet à Israël de quadrupler son territoire et d’occuper des territoires chez les voisins : le plateau du Golan en Syrie, la bande de Gaza, la Cisjordanie en Jordanie, le désert du Sinaï en Égypte. Ces territoires sont considérés comme des territoires occupés et des résolutions sont votées à l’ONU pour demander à Israël de s’en retirer. Mais Israël cherche à conserver ces territoires pour assurer sa sécurité.

La guerre du Kippour en 1973 a été un moyen pour l’Égypte dirigée par Anouar el-Sadate, de négocier en position de force une paix séparée avec Israël sous l’égide des États-Unis. C’est ce qu’il s’est passé avec les accords de Camp David de 1978 : l’Égyptien Anouar al-Sadate et l’Israélien Menahem Begin ont signé une paix séparée. Israël a été reconnu par l’Égypte et l’Égypte a pu récupérer le désert du Sinaï à cette occasion. Cela a été une forme de rupture du front arabe commun contre Israël. À partir de ce moment, les Palestiniens se sont trouvés abandonnées par l’Égypte, le plus grand pays arabe de la région.

Dans les années 1980, c’est l’Intifada (la guerre des pierres) c’est-à-dire que la jeunesse palestinienne en territoires israéliens attaque la police, l’armée, à coups de pierres et de cocktails Molotov. Il s’agit d’un affrontement inégal, asymétrique, et un conflit qui s’enlise sans solutions de paix avant les années 1990.

Entre temps se sont constituées des organisations politiques et militaires comme le Hamas et les Brigades des martyrs d’Al-Aqsa en Israël, notamment à Gaza. Le processus de paix débute seulement dans les années 1990 avec le processus d’Oslo qui a été un grand exploit à l’époque. En 1992, Yasser Arafat de l’OLP et Yitzhak Rabin, premier ministre israélien se rencontrent. Pour la première fois, l’OLP a reconnu Israël et les deux parties ont discuté de la possible création à terme d’un État arabe. C’est la fameuse poignée de mains d’Arafat et de Rabin sur la pelouse de la Maison Blanche sous l’égide de Clinton.

MO

Les Palestiniens reconnaissent l’État d’Israël comme un État souverain et les Israéliens reconnaissent l’existence d’une autorité palestinienne dotée d’une autonomie politique avant l’hypothétique création d’un État arabe. En revanche, on ne discute pas des territoires occupés, qui ne sont pas restitués par Israël. On ne s’accorde pas non plus sur le retour de la diaspora palestinienne disséminée au Moyen-Orient.

Ce processus de paix qui a créé d’immenses espoirs s’achève. La colonisation juive dans les territoires palestiniens, notamment en Cisjordanie, avait été gelée mais reprend dans les années 1990. Yitzhak Rabin, l’homme de la paix, est assassiné par un étudiant juif extrémiste. Du côté d’Arafat, il est victime de la pression des pays arabes et musulmans pour sortir de l’accord.

 

II. La poursuite des heurts et des affrontements asymétriques

 

On considère la grande rupture des années 2000 au moment où est déclenchée la deuxième intifada, (l’intifada d’Al-Aqsa) à l’occasion de la visite d’Ariel Sharon sur l’esplanade des mosquées, le général victorieux de la guerre du Kippour. C’est le prétexte qu’utilise Yasser Arafat pour sortir des négociations de paix. La deuxième intifada est marquée par un fanatisme religieux et la multiplication des attentats terroristes par le Hamas et les Brigades des martyrs d’Al-Aqsa. Le processus de paix se délite, Clinton milite pour un Camp David version deux en 2000 qui échoue, et son successeur Bush tente de réunir les différents protagonistes en constituant un quartet diplomatique constitué des États-Unis, de la Russie, de l’UE et de l’ONU pour essayer de ramener les protagonistes à la table des négociations. Les négociations échouent complètement en raison de la question de Jérusalem, du droit au retour des Palestiniens et des frontières d’un État arabe hypothétique.

Depuis 20 ans, le processus de paix s’est interrompu pour laisser la place à une spirale d’affrontements, le terrorisme du Hamas et du Hezbollah libanais, auquel Israël répond très durement par des opérations militaires ciblées et une politique de répression menée avec son armée, Tsahal. En 2004, le chef du Hamas, le cheick Yassine, est tué par une frappe aérienne. En 2006, le Hamas élu politiquement à Gaza subit des attaques de la part du Tsahal. En 2009, Tsahal attaque le Hezbollah au Liban dans une guerre perdue par Israël. A nouveau en 2014, avec l’opération bordures protectrices, Israël détruit les tunnels qui relient Gaza à l’Égypte et à Israël. Entre temps, la décision de vider les colonies israéliennes de Gaza entraîne la construction d’un mur protecteur entre les territoires palestiniens en Cisjordanie et Israël. La situation géopolitique s’est dégradée et le conflit civil asymétrique a pris le pas sur le conflit international. Entre temps, la Jordanie a signé un accord de paix séparée dans les années 1990 et les autres pays arabes sont entrés dans d’autres problématiques avec les guerres en Syrie et en Irak par exemple.

 

III. Enjeux géopolitiques régionaux et mondiaux

 

Le conflit devient donc un enjeu géopolitique interne. Les Palestiniens pratiquaient des attaques au couteau régulières et rentrent dans un terrorisme quotidien, diffus, pour lequel il n’y a pas de solution d’ensemble. L’accord de paix n’est pas près d’être signé bien que le conflit soit aussi un enjeu géopolitique régional et mondial. C’est ce que décrit Henry Laurens : à partir d’un conflit très localisé, pour la terre, l’identité, la religion, on a des répercussions à l’échelle de toute l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient, et à l’échelle du monde.

C’est l’un des grands échecs de l’ONU et de la communauté internationale. L’ONU dans les années 1960 a condamné l’expansion israélienne à l’issu de la guerre des Six Jours mais n’a jamais fait évacuer les territoires. À nouveau dans les années 2000, l’ONU n’a pas réussi à voter des résolutions contre les guerres menées par Israël à Gaza ou au Liban. Dans la communauté internationale, les États-Unis soutiennent Israël et le couronnement de cela est la politique pro-israélienne du président Trump avec la décision de déménager l’ambassade des États-Unis de Tel Aviv à Jérusalem, ce qui est symbolique. Symboliquement, Jérusalem a été réunifié par Israël et promulgué comme capitale indivisible et éternelle de l’État juif. Il y a donc une politique exclusive, discriminante, reconnue par les États-Unis. L’Europe, elle, tient l’objectif de deux États séparés, un État arabe et un État juif souverain, mais sans parvenir à ses fins. Par ailleurs, depuis quelques années, la Russie et l’Iran se mêlent de plus en plus du conflit israélo-palestinien en défendant des pays arabes, notamment la Syrie, alors que l’Égypte est passée dans le camp des Américains et des Israéliens.

 

Conclusion

 

Les lignes de fracture sont multiples et participent d’un chaos régional et mondial sans que l’on trouve une solution.

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