Les politiques patrimoniales en France

Les politiques patrimoniales en France

La France a eu un rôle pionnier en matière de politiques patrimoniales.

 

I. L’héritage révolutionnaire : du vandalisme à la protection

 

Contrairement aux idées reçues, la Révolution française n’a pas fait que détruire et faire table rase du passé. Certes, beaucoup d’actes de vandalisme ont été commis par les révolutionnaires qui ont ressenti le besoin de s’attaquer aux monuments symboles de la monarchie absolue (telle que la forteresse de la Bastille, mais également les archives de la noblesse, symboles des privilèges), mais le nombre de ces exactions est négligeable face aux politiques de protection qui ont été mises en place dès cette époque.

 

A. 1790 : la Commission des monuments

C’est en 1790 qu’a lieu la Commission des monuments, durant laquelle les députés ont créé une loi pour protéger les monuments. Le concept de monument national, encore en vigueur aujourd’hui, va ainsi émerger. Le Muséum national va également voir le jour, recueillant les biens, le mobilier, les tableaux, les œuvres d’art de toutes les anciennes résidences royales, de tous les châteaux et couvents qui sont alors nationalisés. Les archives nationales sont créées pendant la Révolution française. Des institutions, qui aujourd’hui encore, ont un rôle fondamental dans notre rapport au patrimoine, sont mises en place.

 

B. Alexandre Lenoir

Les institutions ne sont pas les seules à avoir voulu protéger le patrimoine français. Des initiatives privées ont aussi été menées, par Alexandre Lenoir notamment, qui a sauvé beaucoup de monuments français. Il est allé dans les églises ramasser les tombeaux de Colbert, de Richelieu, ainsi que certains gisant royaux, et les a amassés dans un couvent désaffecté. Aujourd’hui, ce couvent est le musée des Augustins, du nom de l’ancien couvent, formant le noyau de la collection de ce qu’on appelle le musée des Monuments français devenu par la suite Cité de l’architecture et du patrimoine.

 

C. L’inventaire de Mérimée

Le XIXe siècle poursuit cette politique de préservation : les lois de préservation du patrimoine une fois édictées, il faut ensuite faire l’inventaire des biens en faisant partie. Dans les années 1830, sous le ministère de François Guizot, Prosper Mérimée va s’attacher à faire l’inventaire des bâtiments en péril à préserver. En pleine période romantique, ce sont les édifices de l’époque médiévale qui sont valorisés. L’architecte Viollet-le-Duc va participer à la restauration de la Sainte-Chapelle, de la cité de Carcassonne, d’églises de Toulouse, etc. Selon, les romantiques, les bâtiments de l’époque médiévale constituent l’héritage par excellence du génie français contre le legs antique et donc classique, davantage hérité de la Grèce et de l’Italie. Pour parachever cette armature juridique et administrative, née à la Révolution française et consolidée au XIXe siècle, la loi de 1913 sur les monuments historiques est édictée. Celle-ci est encore d’actualité aujourd’hui.   

 

II. Le patrimoine, un enjeu politique

 

Bien que des lois protègent le patrimoine français, une certaine continuité entre l’époque de la monarchie et l’époque de la République sur l’enjeu politique est observé. Le rapport politique au patrimoine est ce qu’on pourrait appeler le « fait du prince ».

 

A. La destruction du palais des Tuileries

Cette notion s’illustre par la décision prise par la IIIe République naissante de détruire l’ancienne résidence royale, le palais des Tuileries. Celui-ci, endommagé par les obus pendant la guerre franco-prussienne de 1870 aurait pu être réparé, mais dans le contexte agité qui voit la chute du Second empire (l’épisode de la Commune, l’exil de l’empereur Napoléon III en Angleterre), la IIIe République décide de s’enraciner progressivement dans des lois constitutionnelles qui la fondent et fait table rase des symboles impérialistes et royaux du passé. Au même moment, l’Hôtel de ville de Paris, détruit par ces mêmes obus prussiens, va être reconstruit, à l’initiative du conseil municipal, majoritairement républicain. Ainsi, le positionnement politique a primé sur le choix de préservation patrimonial.

 

B. Les années Pompidou

Au XXe siècle, les « années Pompidou » illustrent l’enjeu politique du patrimoine français. Elles restent dans les mémoires comme une période noire pour le patrimoine français et notamment à Paris avec l’idée du « tout voiture ».  On favorise les dessertes larges pour les automobiles, les bretelles d’autoroutes, au détriment de centres urbains, menacés par ces nouveaux aménagements. Le cas le plus célèbre fût la destruction des halles de Baltard (quartier des Halles à Paris) pour faire place à un aménagement sous-sol pour le RER et à un monument consacré à l’art moderne, qui deviendra le Centre Pompidou, et l’aménagement des voies sur berges pour les voitures. Ces choix sont la conséquence d’un positionnement économique que veut insuffler le président Pompidou, au détriment d’une certaine protection du patrimoine. Les décisions sont prises au plus haut lieu, sans forcément de continuité.

 

C. Les grands chantiers de Mitterrand

Les grands chantiers du président bâtisseur par excellence, François Mitterrand, vont également illustrer cette notion de fait du prince. Il fait le choix de privilégier l’Est de Paris, considéré souvent comme plus pauvre. Parmi les chantiers les plus connus, on peut compter la place de la Bastille, l’opéra Bastille, la Grande Arche de la Défense, et la Pyramide du Louvre qui avait fait scandale à l’époque en raison de ce choix d’introduire une architecture aussi contemporaine au cœur historique du Louvre.

François Mitterrand avait une vision de grande envergure monumentale, patrimoniale, qui a fait des heureux mais qui a largement été critiquée car cette vision était très clairement un choix politique.

 

III. Le patrimoine, un enjeu économique et territorial

 

A. La France, première destination touristique mondiale

Le patrimoine français est aussi un enjeu économique et territorial. Territorial dans le sens de l’aménagement du territoire, et économique car la France est la première destination touristique mondiale. La France est réputée pour la variété de ses paysages, mais aussi pour son patrimoine naturel et culturel. Protéger et valoriser ces patrimoines représente un enjeu économique essentiel.

 

B. Le redéploiement facilité : exemple des chantiers navals de Nantes

Le patrimoine va également être une voie de plus en plus utilisée en France pour un redéploiement économique. D’anciennes zones industrielles sont utilisées à des fins touristiques : par exemple le bassin minier va être visité pour redécouvrir le monde ouvrier et les terrils vont être transformés en musée. Mais on trouve aussi des lieux abandonnés qui vont être réinvestis et devenir ainsi des lieux très attractifs. Par exemple, l’ancien site des chantiers navals de Nantes, véritable no man’s land industriel abandonné dans une partie assez excentrée de la ville, est devenu aujourd’hui un lieu extrêmement attractif. Une équipe a lancé ce que l’on appelle « Les Machines de l’île » avec des artistes techniciens qui ont revitalisés ces lieux. Cette ancienne compagnie de théâtre de rue a créé le fameux éléphant ainsi que d’autres machines issues de l’imaginaire vernien (Jules Verne est né à Nantes en 1828), qui aujourd’hui attirent des touristes européens. C’est un bel exemple d’un réinvestissement par le patrimoine, par la culture, et donc d’un des enjeux économiques du patrimoine.

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