Venise, entre valorisation touristique et protection du patrimoine

Venise, un joyau artistique submergé par l'eau

Venise est un des dossiers patrimoniaux mondiaux les plus complexes car c’est une ville pour laquelle les enjeux économiques, environnementaux et artistiques sont en rude concurrence et où il est donc très difficile de prendre les bonnes décisions.

 

I. Venise, une longue tradition de tourisme culturel

 

A. Une cité cosmopolite

Venise est une ville qui s’est construite sur la notion d’ouverture et a toujours été une cité extrêmement accueillante pour les étrangers dans toute son Histoire. Autrefois, cette ville mettait en contact la Méditerranée occidentale et orientale formant un carrefour commercial de grande ampleur où circulaient les hommes et les idées. Elle a donc toujours eu cette image de cité cosmopolite. Venise a également créé un empire maritime dans toute la Mer Adriatique et jusque dans les îles de la Mer Méditerranée. Beaucoup de villes se sont constituées sur l’exemple vénitien, ne serait-ce que sur son architecture avec Dubrovnik par exemple, copié sur le modèle vénitien.

 

B. Etape clé du Grand Tour

C’était aussi une des premières villes touristiques, en quelque sorte, puisque, pour les premiers touristes, des aristocrates anglais qui, pour parfaire leur éducation de jeunes hommes, allaient faire le Grand Tour de l’Italie, patrie du legs artistique fondamental, Venise était une étape clé. Les artistes également ont beaucoup contribué à la notoriété internationale : les écrivains, les poètes, ou encore les peintres comme Turner et Monet ont largement trouvé leur inspiration dans cette ville. Il suffit de visiter le cimetière sur l’île Saint Michel pour voir le nombre d’étrangers qui y sont enterrés. Il y a donc toujours eu dans l’histoire de cette ville un rapport très international.

 

C. Des événements artistiques de qualité

Venise a, depuis longtemps, décidé de ne pas seulement miser sur cet héritage architectural et artistique incroyable, elle a aussi décidé de s’engager dans des événements culturels modernes à rayonnement international qui ont eu, et ont encore aujourd’hui, un grand succès. Parmi ceux-là se trouvent le fameux Carnaval de Venise, qui fait davantage le lien avec le passé et l’histoire échue de Venise, mais également le festival de film de la Mostra qui se déroule chaque année sur le Lido ou encore la Biennale de Venise, festival d’art contemporain et d’architecture, qui s’installe tous les deux ans dans des pavillons d’exposition dédiés à chaque pays participant et réaménagés par les artistes à chaque fois.

 

II. La magie de Venise en danger

 

Venise, dotée de nombreux atouts puisqu’elle a su s’ancrer à la fois dans la tradition et la modernité en conservant un esprit d’ouverture, est tout de même en danger.

 

A. L’écosystème de la lagune en péril

Son problème majeur est lié à la spécificité du site urbain de Venise, cadre unique de ville construite sur des îlots de sable et des marais. Ce site est finalement très hostile à la construction, et il a donc fallu s’approprier et domestiquer l’espace. La lagune, dans laquelle est construite Venise, ensemble de 50 000 km2 classé patrimoine mondial de l’Unesco, est compliqué à gérer puisque les effets de flux et de reflux de l’eau provoquent un phénomène naturel de montée des eaux, qu’on appelle « l’acqua alta ». Mais avec le contexte mondial de réchauffement climatique et de montée du niveau des mers, ces grandes eaux sont de plus en plus fréquentes et atteignent des niveaux records, ce qui fait que la ville est parfois inondée sur plus d’un mètre de hauteur sur une très grande partie. Non seulement l’écosystème animalier et végétal de la lagune est menacé, mais les fondations de la ville le sont aussi à cause de l’érosion des fonds marins.

 

B. Une ville pourtant très protégée

Malgré le fait que Venise soit une des îles les plus protégées et surveillées et qu’elle ait fait l’objet dès 1973 d’une loi spéciale pour faire appel à des fonds internationaux, car son classement à l’Unesco ne suffisait pas pour la sauver, elle reste en danger permanent en raison de la spécificité de son écosystème.

Depuis 1973, plusieurs projets pharaoniques de barrages se sont succédés afin d’éviter un afflux d’eau trop important, mais des concurrences entre la ville, la région, l’État et les fonds internationaux rendent ces projets compliqués.

 

C. Les croisiéristes montrés du doigt

La principale source de discorde provient de la manne touristique vénitienne. En effet, Venise est emblématique de ce qu’on appelle le « surtourisme ». La ville accueille entre 27 millions et 30 millions de touristes par an, alors qu’elle ne possède que 55 000 habitants. Parmi ces touristes, les touristes dits « d’une journée » sont ceux qui sont montrés du doigt car ces croisiéristes, venus sur des bateaux gigantesques, ont accès au port maritime de Venise, et ne vont alors même pas dormir sur place, dépenser leur argent, et même prendre le temps de véritablement visiter le lieu. Des quotas ont essayé d’être mis en place afin de limiter ce phénomène, et récemment une taxe de débarquement a été instaurée pour limiter ce nombre de touristes d’un jour.

 

III. Un cas d’école de « ville-musée »

 

A. Le cercle vicieux : plus de touristes et moins d’habitants

Le problème de ces villes-musées est que plus les touristes sont nombreux, moins il y a d’habitants. Ce phénomène entraîne alors la ville dans un cercle vicieux. Venise est une des premières villes concernées par le problème de logement : on considère qu’aujourd’hui 1 logement sur 4 est voué aux touristes, que ce soit par Airbnb ou par d’autres biais de location. Les boutiques de souvenirs ont remplacé quasiment définitivement les commerces de bouche.

 

B. Le tourisme, poumon économique

Les emplois liés aux croisières, problématiques pour la ville, représentent près de 5 000 emplois locaux, et en dehors du tourisme, Venise ne propose pas beaucoup de travail. Le tourisme est le véritable poumon économique de la ville. Les décisions radicales sont donc dures à prendre, car il est impensable de trop appauvrir et de se priver de l’apport monétaire du tourisme. C’est pour ces raisons que le dossier vénitien est toujours en haut de la pile de tous les grands organes de préservation du patrimoine.

 

C. Les « autres Venise »

Venise est un cas d’école, illustrant parfaitement la situation que d’autres villes rencontrent, les « autres Venise ». Ce sont des villes qui parfois se revendiquent elle-mêmes de ce titre, comme Amsterdam, surnommée la Venise du Nord, qui a le même problème parce que c’est une ville qui a été gagnée sur la mer en partie avec des canaux, et la présence de l’eau est toujours source de problème. Dubrovnik aussi, cité qui tient dans un mouchoir de poche, est une étape fondamentale des croisières en Mer Adriatique. Enfin, on peut citer le cas de Barcelone, qui elle, n’a pas de problème en rapport avec la mer, mais qui est concerné par le surtourisme que les habitants ne supportent plus : des panneaux indiquant « Tourist Go home » sont affichés partout dans le pays catalan.

Le cas Venise synthétise en quelque sorte un des problèmes contemporains du tourisme de masse. 

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