L'énoncé
Document 1 : Jugement rendu lors du procès des Fleurs du mal, 1857
Publié le 21 août 1857 par La Gazette des tribunaux et par L’Audience.
- « En ce qui touche le délit d’offense à la morale religieuse :
- « Attendu que la prévention n’est pas établie, renvoie les prévenus des fins de poursuites ;
- « En ce qui touche la prévention d’offense à la morale publique et aux bonnes mœurs :
- « Attendu que l’erreur du poète, dans le but qu’il voulait atteindre et dans la route qu’il a suivie, quelque effort de style qu’il ait pu faire, quel que soit le blâme qui précède ou qui suit ses peintures, ne saurait détruire l’effet funeste des tableaux qu’il présente au lecteur, et qui, dans les pièces incriminées, conduisent nécessairement à l’excitation des sens par un réalisme grossier et offensant pour la pudeur ;
- « Attendu que Baudelaire, Poulet-Malassis et De Broise ont commis le délit d’outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs, savoir : Baudelaire, en publiant ; Poulet-Malassis et De Broise en publiant, vendant et mettant à la vente, à Paris et à Alençon, l’ouvrage intitulé : Les Fleurs du mal, lequel contient des passages ou expressions obscènes ou immorales ;
- « Que lesdits passages sont contenus dans les pièces portant les numéros 20, 30, 39, 80, 81, 87 du recueil ;
- « Vu l’article 8 de la loi du 17 mai 1819, l’article 26 de la loi du 26 mai 1819 ;
- « Vu également l’article 463 du Code pénal ;
- « Condamne Baudelaire à 300 francs d’amende,
- « Poulet-Malassis et De Broise chacun à 100 francs d’amende ;
- « Ordonne la suppression des pièces portant les numéros 20, 30, 39, 80, 81 et 87 du recueil,
- « Condamne les prévenus solidairement aux frais. »
Document 2 : Réhabilitation, 1949
Une révision pour Les Fleurs du mal, est accordée le 31 mai 1949 par la Chambre criminelle de la Cour de cassation. Cela fait suite à la loi du 25 septembre 1946 selon laquelle est autorisé une procédure de révision des condamnations pour outrage aux bonnes mœurs commis par la voie du livre.
Dans ses attendus, la Cour énonce que : « les poèmes faisant l’objet de la prévention ne renferment aucun terme obscène ou même grossier et ne dépassent pas, en leur forme expressive, les libertés permises à l’artiste ; que si certaines peintures ont pu, par leur originalité, alarmer quelques esprits à l’époque de la première publication des Fleurs du Mal et apparaître aux premiers juges comme offensant les bonnes mœurs, une telle appréciation ne s’attachant qu’à l’interprétation réaliste de ces poèmes et négligeant leur sens symbolique, s’est révélée de caractère arbitraire ; qu’elle n’a été ratifiée ni par l’opinion publique, ni par le jugement des lettrés ».
Question 1
Pour quels chefs d'inculpation, le recueil Les Fleurs du mal est-il condamné ?
Les Fleurs du mal est condamné pour délit d’offense à la morale religieuse et prévention d’offense à la morale publique et aux bonnes mœurs.
Question 2
Qu'est-il reproché à Baudelaire ?
On reproche à Baudelaire de présenter au lecteur, à travers ses poèmes, de "funestes tableaux" qui auraient pour conséquence "l’excitation des sens" des lecteurs. Cette excitation sensorielle serait mise en oeuvre par une écriture et un style trop réalistes, qui pourraient choquer : "un réalisme grossier et offensant pour la pudeur".
Question 3
Selon vous, qui sont Poulet-Malassis et De Broise ?
Poulet-Malassis et De Broise sont sans doute les éditeurs de Baudelaire, car ils sont condamnés pour avoir publié et vendu l'ouvrage.
Question 4
A quoi sont condamnés Baudelaire, Poulet-Malassis et De Broise ? Qu'en est-il du recueil des Fleurs du mal ?
Baudelaire, Poulet-Malassis et De Broise sont condamnés solidairement à une amende :
« Condamne Baudelaire à 300 francs d’amende,
« Poulet-Malassis et De Broise chacun à 100 francs d’amende.
Le recueil est en partie censuré, en effet, la justice ordonne la suppression de 6 poèmes :
« Ordonne la suppression des pièces portant les numéros 20, 30, 39, 80, 81 et 87 du recueil
Question 5
Par la suite qu'est-il advenu du recueil ? Justifier.
En 1946, une loi permet de revenir sur les décisions de justice concernant la "révision des condamnations pour outrage aux bonnes mœurs commis par la voie du livre". Les Fleurs du mal vont en bénéficier trois ans plus tard, en 1949. Ainsi, le recueil va être réhabilité après la mort de Baudelaire sous couvert d'une interprétation symbolique et non plus réaliste des poèmes censurés. En un siècle, les mentalités ont évolué ainsi que la liberté d'écriture : la censure est moins présente.