Sortir de la guerre : tentative de construction d’un ordre des nations démocratiques
Sortir de la guerre : tentative de construction d'un ordre des nations démocratiques
La Première Guerre mondiale a été un conflit inattendu par ses capacités de destruction et par sa durée. Le bilan est accablant. La question se pose donc à partir de 1918 d’un ordre international qui puisse éviter la reproduction de ce type de conflit.
I. Un bilan humain et matériel
Le bilan est considérable pour des sociétés qui, en 1914, ne peuvent pas envisager un conflit de tel ampleur. On disait, selon le mot de Carl von Clausewitz, théoricien de la guerre, que la « guerre était la continuation de la politique par d’autres moyens ».
A. Les chiffres
Après 1918 on peut difficilement le dire en sachant que la guerre a provoqué la mort de dix millions de soldats. C’est une véritable ponction démographique.
Il y a aussi des conséquences économiques qui doivent être prises en compte. Les départements français qui ont été affectés par la guerre sont à reconstruire. Le poids de l’effort de guerre pèse sur les économies nationales. Le bilan est extrêmement lourd et donc même dans les pays vainqueurs comme la France, la tendance n’est pas à l’euphorie après la guerre mais on désire de ne pas voir se reproduire un conflit d’une telle importance.
B. Conséquences morales et sociales
Elles sont différentes selon les pays. Dans les pays vaincus comme l’Allemagne, la rancœur et la frustration dominent. C’est le sentiment d’une victoire volée. Même chez les vainqueurs, l’Italie parle de « victoire mutilée » car elle n’a pas obtenu les compensations territoriales espérées.
Les sociétés sont affectées. Beaucoup d’hommes jeunes sont morts à la guerre. Dans les sociétés, les femmes prennent une importance plus nette. Elles sont plus nombreuses. Ce sont des sociétés de veuves.
Les années d’après-guerre sont des années de commémorations. On honore la mémoire de ses combattants. En 1920, en France, on inaugure la tombe du soldat inconnu et en 1932 on construit l’ossuaire de Douaumont à la mémoire des soldats tombés à Verdun.
II. Construire la paix
A. L’impulsion wilsonienne
Il y a d’abord une impulsion américaine, celle du président Wilson. Les États-Unis entrent en guerre tardivement mais, d’entrée de jeu, ils prévoient une organisation d’après-guerre avec les 14 points du président Wilson en janvier 1918. Dedans, il y a un certain nombre de dispositions pour assurer un ordre pacifique d’après-guerre. Dans ces dispositions, on compte le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, la liberté de navigation sur les mers, à laquelle les américains sont très attachés, la fin de la diplomatie secrète et le projet de création d’une organisation en charge de la paix mondiale.
B. Les traités de paix
La paix se traduit par des traités de paix. Il y a certes le traité de Versailles, mais il n’est pas le seul. Le traité de Versailles en juin 1919 règle le problème de la paix avec l’Allemagne avec une grande fermeté. Il fait de l’Allemagne le seul responsable du déclenchement de la guerre alors que tous les pays belligérants sont responsables du conflit et on sait que les dispositions du traité de Versailles sont tellement humiliantes que cela conditionnera l’avènement de partis nationalistes et notamment le parti nazi.
Il y a d’autres traités et ils sont marqués par le problème du révisionnisme. C’est-à-dire que les signataires des traités manifestent ensuite leurs mécontentements. On pense par exemple au traité de Sèvres, signé en 1920 qui règle le problème de la paix avec l’Empire ottoman. Le grand dirigeant de la Turquie ensuite, Mustafa Kemal, mécontent des dispositions de ce traité, parvient à le renégocier et en 1923, le traité de Lausanne est le traité qui règle la situation d’après-guerre entre la nouvelle Turquie et le reste de l’Europe.
C. La Société des Nations (SDN)
Elle a été voulue par le président Wilson et sur le modèle de l’ONU d’aujourd’hui. Cette société se propose d’assurer autant que possible la paix mondiale. Cependant on n’obtient pas la paix.
III. Persistance de la guerre
A. La guerre en Russie
En octobre 1917, la révolution bolchevique finit par faire sortir la Russie de la guerre, ce qui était le but de la révolution. Cependant, la Russie entre immédiatement dans une guerre civile entre les partisans du tsar, les « blancs », aidés par les Français et les Anglais et les « rouges », c’est-à-dire les partisans de la Révolution. Cette guerre est terrible. Elle provoque dix millions de morts supplémentaires en Russie. Elle est significative de ce qu’on a pu appeler la « brutalisation », c’est-à-dire cette méthode brutale qui caractérisent le règlement des conflits depuis le XXe siècle et qui va marquer le régime communiste jusqu’à la fin de son existence.
B. Un ordre international fragile
La fragilité de l’ordre international est liée à l’incapacité de la SDN. Elle a un double problème :
– Les Américains, qui en sont les instigateurs, décident de ne pas y participer. Le Sénat américain refuse l’intégration des États-Unis dans le nouvel ordre international.
– La SDN est pacifique dans un monde qui ne l’est pas. Il y a un certain nombre de chefs d’État comme Mussolini ou Hitler qui souhaitent des conquêtes, des annexions, la guerre et une revanche. La SDN n’a rien pu contre cela.
Il ne faut pas non plus l’accabler, la SDN a réussi à maintenir la paix sur une certain nombre de questions annexes (elle n’a pas rien fait entre 1918 et 1939). On constate cependant qu’à cause de la frustration provoquée par les traités de paix, la paix a mal été instaurée à la fin d’une guerre terrible. De ce fait, on va rebasculer dans une Seconde Guerre mondiale encore plus dévastatrice que la première.