Multifonctionnalité des espaces ruraux
Les espaces ruraux ne sont pas seulement dévolus à l’agriculture, mais à différents types d’activités. Si aujourd’hui les espaces ruraux peuvent être considérés comme des espaces de loisirs ou patrimoniaux, à l’origine, la fonction agricole et nourricière des espaces ruraux est essentielle.
I. Diversité des fonctions
A. Multifonctionnalité agricole
Même en considérant uniquement les espaces agricoles, il est possible de constater que l’activité agricole est diversifiée et se manifeste physiquement par différents types de paysages.
Aux États-Unis, par exemple, la part de la population active dans le secteur agricole est très faible et représente environ 1,5 % de la population active totale. Or, plus de 90 % des agriculteurs américains sont pluriactifs, c’est-à-dire qu’ils ont d’autres activités que l’agriculture.
Par ailleurs, les agriculteurs ont parfois une tâche qui va au-delà de la simple agriculture. Dans les Nords, ils sont parfois chargés de préserver le paysage et d’entretenir une certaine image des espaces agricoles. Ils peuvent donc avoir des rôles qui se rapportent à la conservation d’un patrimoine paysager particulier.
B. Présence de l’industrie
La présence de l’industrie est ancienne dans les espaces ruraux. En effet, un certain nombre d’entre eux possèdent également des ressources, comme le bois ou les ressources minières, exploités au temps proto-industriel par la population rurale. Le rôle de l’artisanat et de la petite industrie peut être encore très important dans certains espaces. Dans les Suds, ces activités servent de compléments de revenus aux agriculteurs. Dans les Nords, certains savoir-faire industriels persistent dans les zones rurales comme, par exemple en France, la petite horlogerie de précision dans le Jura ou la plasturgie dans la région d’Oyonnax. Ces activités peuvent être très valorisées et recherchées.
C. Essor des fonctions récréatives et résidentielles
Ces fonctions sont celles qui se développent le plus actuellement, et ce particulièrement dans les Nords.
Les fonctions récréatives sont essentiellement liées à l’activité touristique. Les espaces ruraux attirent deux formes de tourisme majeures :
– L’agro-tourisme, qui est parfois une forme de tourisme gastronomique qui consiste à « camper à la ferme »,
– L’éco-tourisme, un tourisme de randonnée et de paysage à travers les espaces ruraux.
Le tourisme rural a bonne réputation. Accessible du point de vue financier, il est perçu comme permettant de se rapprocher d’une forme d’authenticité et de durabilité.
Les fonctions résidentielles sont, quant à elles, liées à l’économie présentielle, c’est-à-dire à l’entretien des populations qui vivent en milieu rural et aux services à leur fournir.
II. Facteur de dynamisme, conflits d’usages
La multifonctionnalité est quelque chose d’habituellement présenté comme positif et facteur d’intégration. Cependant, la multifonctionnalité est aussi à l’origine de conflits d’usages.
A. Une multifonctionnalité intégrante
Un espace rural multifonctionnel, associant agriculture, petite industrie et tourisme est un espace qui, a priori, est plus dynamique qu’un espace strictement mono-fonctionnel, assigné à une seule production.
Ce sont des espaces mieux reliés aux espaces nationaux car il y a plus de circulation entre les populations des espaces urbains et de ces espaces ruraux. La multifonctionnalité implique aussi de prévoir des infrastructures de transport et de logement pour être accessibles à ces populations urbaines.
Les espaces ruraux peuvent également parfois jouer sur une image positive génératrice de tourisme. Si l’espace rural dédié à l’agriculture productiviste est généralement assez mal perçu dans les représentations actuelles, l’image du « terroir », avec ses productions locales (éventuellement une agriculture biologique), son rapport privilégié à la terre et son savoir-faire est valorisée. Ainsi, en jouant sur ces représentations, certains espaces ruraux « traditionnels », en sortant de la logique productiviste et marchande, peuvent devenir des espaces attractifs pour les touristes.
B. Conflits d’usages
On parle de conflit d’usages quand deux acteurs ont des intérêts divergents sur un même lieu et sont en conflit quant à l’exploitation de ce lieu. Exemples de phénomènes pouvant déboucher sur des conflits d’usages :
La périurbanisation, c’est-à-dire le grignotage des espaces ruraux par des espaces de lotissements périurbains, qui peuvent dégrader l’image, l’esprit ou la nature de l’espace rural.
Le mitage des espaces ruraux, par des activités non-agricoles (industrie) ou par les transports. En effet, dans certains espaces ruraux, les routes ou voies de chemin de fer peuvent parfois dégrader le paysage ou l’environnement des habitants.
La patrimonialisation de ces espaces, qui sont parfois transformés en conservatoires ou en musées, et auxquels on ne veut plus toucher pour en préserver le paysage et la beauté. Cette protection peut parfois se faire faire au détriment de transformations pouvant mener à une forme de dynamisme.
Nota bene
Il est nécessaire de s’interroger sur la notion d’espace rural. Comment le définir ? En terme de paysage ? De densité de population ? Certaines régions de Chine sont essentiellement agricoles, et pourtant elles présentent une très forte densité de population qui se rapproche parfois de celle des villes françaises. De plus, s’il y a effectivement une différence Nord/Sud, il y a également beaucoup de points communs. Au Brésil, par exemple, on pratique très largement l’agriculture productiviste sur le modèle étasunien. En Côte d’Ivoire, la culture du cacao a également été pensée dans une logique productiviste. Et au contraire, dans certains pays des Nords, on pratique encore l’agriculture vivrière (comme en Crète, dans le sud de la Grèce, où beaucoup d’habitants ont des petits troupeaux ou des petits champs destinés à leur consommation personnelle et éventuellement aux touristes de passage).