Rivalités et coopérations, le partage des mers et océans

Rivalités et coopérations, le partage des mers et océans

Contrairement à l’espace qui demeure le patrimoine commun de l’humanité et ne peut pas être accaparé par les États, les espaces océaniques et maritimes sont, au contraire, l’objet d’une territorialisation juridique et politique depuis les années 1980-1990, ce qui provoque de nouveaux conflits. L’ONU s’est ainsi intéressée à la protection de ces espaces et un nouveau droit de la mer est en cours de rédaction.

 

I. Un nouveau droit à la mer : Montego Bay

 

À partir de 1970, les Nations unies ont réfléchi à rédiger un nouveau droit de la mer sachant que jusqu’à présent le principe de la mare liberum (les mers libres) prévalait en droit international, même si les États avaient découpé des eaux territoriales sous leur souveraineté. Il s’agissait de permettre aux États d’étendre leurs espaces de protection, d’exploiter économiquement et scientifiquement ces espaces maritimes, mais aussi d’y projeter leur force.

À la conférence de Montego Bay en 1982, la Convention des Nations unies sur le droit de la mer a été rédigée et est entrée en vigueur en 1994. Cette nouvelle législation permet à des États souverains d’étendre leurs eaux territoriales de 12 à 24 000 nautiques et de se constituer une Zone économique exclusive (ZEE) jusqu’à 200 000 nautiques. Dans cette zone, l’État est pleinement souverain et se réserve l’exploitation de toutes les richesses, qu’elles soient énergétiques, halieutiques, ou minérales. En revanche, l’État n’a pas le droit d’empêcher le libre passage des navires de commerce ou de guerre. Au-delà des 200 000 nautiques, si l’État peut prouver que l’espace maritime et océanique est dans le prolongement de son plateau continental, il peut étendre sa ZEE jusqu’à 350 000 nautiques.

Au-delà de ces ZEE, la navigation est libre en haute-mer sauf dans les détroits qui font l’objet d’une législation particulière. Pour ces frontières maritimes et océaniques tracées par les États, il n’y a pas de ligne de démarcation physique. Seuls les États qui ont une présence à la mer suffisante, qui sont capables de projeter leur force policière ou militaire, peuvent faire respecter ces zones de souveraineté. Dans certains cas de mers petites ou fermées, les zones de souveraineté s’enchevêtrent.

 

II. Une course à la mer conflictuelle

 

Depuis l’adoption de la Convention sur le droit de la mer en 1994, les pays du monde se sont lancés dans le tracé de ces nouvelles lignes de démarcation. Cela a donné lieu à un très grand nombre de litiges. Jusqu’à présent, environ 200 traités bilatéraux et multilatéraux ont été signés pour se répartir les mers et les océans du monde, et couvrent environ 45 % des espaces maritimes et océaniques du monde, ainsi plus de 100 millions de km2 ont été attribués de cette façon. On estime encore 70 à 80 litiges en cours, souvent dans des mers petites, semi fermées, où les ZEE s’enchevêtrent.

Les Chinois revendiquent par exemple la mer de Chine méridionale en quasi-totalité car celle-ci serait dans le prolongement de leur plateau continental et ils auraient aussi des droits historiques sur cette mer. C’est ainsi qu’ils ont conquis les îles Paracels au Nord, au détriment du Vietnam et qu’ils revendiquent les îles Spratleys ou l’îlot de Scarborough dans le Sud, au détriment des Philippines, de la Malaisie ou du Vietnam. La Chine est ainsi en rivalité voire en adversité avec ses voisins qui, pour certains, ont porté plainte devant le Tribunal international de la mer créé par l’ONU, mais la Chine continue sa politique d’expansion maritime.

La capacité militaire sur les mers et océans est décisive, ce qui explique la militarisation accrue de ces espaces. Seulement 15 pays du monde contrôlent 80 % des marines de guerre et sont capables d’imposer leur thalassocratie. Par exemple, les États-Unis sont la première marine de guerre et l’US Navy réalise à elle seule 40 % de toutes les dépenses des marines de guerre mondiales, sa force est supérieure à celles des six autres plus grandes marines de guerre mondiales. L’US Navy détient notamment 10 porte-avions à propulsion nucléaire en activité, la moitié des sous-marins nucléaires de la planète (notamment 14 sous-marins nucléaires lanceurs d’engin), des sous-marins nucléaires lanceurs de missiles de croisière et des sous-marins nucléaires d’attaque, ce qui en fait une flotte puissante. Les différentes flottes américaines sont réparties sur les différents océans du monde dont deux pour le seul océan Pacifique. La course à la territorialisation politique et juridique des espaces maritimes entraîne ainsi une militarisation qui met en danger les fonds marins.

 

III. Un souci de protection des grands fonds marins

 

Les atteintes les plus importantes à la biodiversité marine sont le résultat d’une circulation intense de navires de commerce qui donnent lieu fréquemment à :

– des déballastage ou dégazage (déversement en mer d’eaux souillées d’hydrocarbures),

– des pollutions d’origine industrielle,

– une exploitation de plus en plus intensive des fonds marins, par exemple la surpêche.

 

L’ONU s’est ainsi lancée en 2017 dans une nouvelle législation de protection environnementale et de la biodiversité qui concernera la haute-mer, c’est-à-dire les espaces océaniques hors de la juridiction des États-nations. Ce processus de négociations s’appelle le Biodiversity Beyond National Juridiction (BBNJ), il vise à défendre la biodiversité au-delà des espaces de juridiction nationale.

Plusieurs grandes séances de réflexion et d’écriture se sont tenues à l’ONU dont 4 séances entre 2018 et 2020. L’objectif principal est de créer des aires de protection marine. Ces séances plénières visent aussi à renforcer la coopération entre les États quant aux recherches sur la biodiversité marine et au profit que peut générer cette meilleure connaissance des fonds marins. Ce nouvel espace va donc pouvoir être protégé à l’image de ce que l’ONU avait fait pour l’Antarctique et pour l’océan Austral en 1959.

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