Quels usages politiques de la mémoire ? Le château de Versailles

I. Versailles incarne la demeure de l’État

 

Le château de Versailles est un lieu de continuité politique assez fascinant. Ce qui n’était au départ qu’une simple résidence de chasse sous Louis XIII, devient surtout un lieu de fête dans les premières années de Louis XIV. Il devient le lieu même de la puissance politique, dédié à la mise en scène du pouvoir. Aux yeux du monde, le château de Versailles incarne la demeure de l’État, peut-être plus que le palais de l’Élysée.

 

A. Symbole de la monarchie

Versailles est d’abord un symbole de la monarchie, c’est-à-dire qu’il n’est pas qu’un caprice architectural de Louis XIV : il incarne une nouvelle façon de gouverner, contre la ville de Paris à laquelle le roi n’accorde plus sa confiance, et permet au roi de réunir la cour, qui logée et distraite autorise le roi à avoir la noblesse sous sa coupe et pacifier ainsi le royaume. L’usage politique de Versailles va perdurer au-delà de la monarchie française, au-delà de la Révolution française car dès l’époque du Premier Empire, Napoléon va faire revivre le château de Versailles pour la venue du pape Pie VII pour la cérémonie du sacre. Le sacre a lieu à Paris, mais Napoléon va en profiter pour lui faire visiter les châteaux de Versailles et Fontainebleau, nettoyés et remis au goût du jour. Tel est le prestige de ce lieu que Bismarck y fera proclamer Guillaume Ier « empereur allemand » dans la galerie des glaces en janvier 1871.

 

B. Haut lieu diplomatique

Beaucoup de souverains successifs, y compris les présidents de la République, vont y accueillir plusieurs personnalités : la reine Victoria par Napoléon III en 1855, le shah de Perse par le président McMahon, les Kennedy par de Gaulle, et plus récemment, Vladimir Poutine par Emmanuel Macron en 2017. Il y a vraiment une continuité de l’usage politique de ce lieu, en sachant que les journalistes aiment faire le distinguo entre, en ce qui concerne les présidents de la République, ceux qui vont aller jusqu’à faire dormir leurs hôtes où eux-mêmes dans le grand Trianon, ou ceux qui n’osent pas se réinstaller véritablement dans le château de Versailles. Versailles incarne donc un haut lieu diplomatique.

 

C. Enclave républicaine

Versailles peut revendiquer, dans son histoire, des pages proprement républicaines, et incarne en quelque sorte le berceau du républicanisme. Dans le contexte particulier de la guerre de 1870-1871 contre la Prusse, le gouvernement provisoire quitte Paris d’abord pour Bordeaux, puis vient s’installer à Versailles. Une nouvelle pièce à Versailles sera ainsi créée, appelée Salle du Congrès, qui est encore utilisée de nos jours, pour accueillir des séances du Parlement. C’est même dans cette pièce que sera élu le président de la République jusqu’en 1958, quand le suffrage universel n’avait pas encore été adopté.

Des grands moments historiques ont également eu lieu dans ce château, notamment la signature du traité de paix dans la galerie des glaces du château en 1919.

 

II. Un lieu de mémoire nationale

 

Versailles est également un lieu de réconciliation nationale, de commémoration et donc un lieu de mémoire nationale qui fonctionnerait presque mieux, avec moins de polémiques, que le Panthéon par exemple, qui a pourtant été en partie créé pour cela.

 

A. Le musée de Louis-Philippe

Le roi Louis-Philippe, qui se faisait appeler le roi citoyen, le roi des Français, va vouer Versailles définitivement à l’idée de musée en y abritant le musée de l’Histoire de France, depuis le Moyen Âge jusqu’à l’époque napoléonienne, élargissant ainsi complètement le rapport à l’histoire de ce musée, avec la célèbre galerie des Batailles.

 

B. Nouveau regard porté sur Marie-Antoinette

Le sauvetage du domaine de Versailles, notamment le hameau de la reine et le petit Trianon, va participer aussi à l’image de Versailles en tant que lieu de mémoire nationale. Au milieu du XIXe siècle, Marie-Antoinette était « la reine déficit », « la veuve autrichienne », une reine mal-aimée, mais l’impératrice Eugénie, épouse de Napoléon III, qui vouait un culte à cette reine, va déconstruire cette image négative et raviver le culte, encore vivace aujourd’hui de Marie-Antoinette, en en faisant l’égérie de la mode, celle qui avait une certaine sensibilité pour les tissus fleuris, un goût pour la nature, visible au travers des portraits peints par Elisabeth Vigée-Lebrun.

Le conservateur de Versailles, Pierre de Nolhac, s’appuiera sur cette adoration pour Marie-Antoinette pour sauver les parties du domaine de Versailles, qui avaient gardé la mémoire de Marie-Antoinette, le hameau de la reine et le petit Trianon, et qui font rêver aujourd’hui les visiteurs du monde entier.

 

C. Un outil de soft power

L’autre élément de continuité est la cohue qu’il y a toujours eu au sein du château. Aujourd’hui, 6 millions de personnes par an soit 15 000 par jour se rendent au château de Versailles. À l’époque des courtisans, on considère qu’il y avait 6 000 courtisans au château, sans compter toute la domesticité, ce qui était donc assez équivalent.

En somme, Versailles est bien l’image de la continuité historique et du rayonnement politique et culturel de la France. C’est un outil du soft power français. Il incarne également l’esprit du luxe à la française : c’est un château qui a bénéficié très tôt du mécénat culturel, américain entre autres, et qui continue de fasciner le monde entier.

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