Le cyberespace

Lorsque P. Drucker à la fin des années 1960 prophétisait l’avènement d’une société de l’information, grâce aux NTIC, il n’imaginait pas encore les bouleversements liés à Internet. Internet est le réseau des réseaux qui permet de connecter tous les terminaux (ordinateurs ; smartphones ; tablettes) avec une communication instantanée donnant corps à un cyberespace, c’est-à-dire un territoire sur lequel naviguent les informations et les connaissances.

Le terme de cyberespace a été inventé par W. Gibson, romancier de science-fiction, qui a écrit Neuromancien en 1984, roman dans lequel il évoquait l’existence d’un espace de données numériques qu’il appelait le cyberspace auquel les individus se connectaient par télépathie. La science-fiction est devenue réalité avec l’invention d’Internet et la mise en place du web mondial.

Le cyberespace nécessite un certain nombre de coopérations car les cyberattaques sont devenues quotidiennes. C’est une nouvelle manière de s’affronter, notamment avec des armes de désorganisation massive puisqu’il s’agit d’altérer ou de mettre en rupture (black-out) des systèmes informatiques ennemis. Ces armes peuvent prendre une importance toujours plus grande, notamment avec les progrès de l’intelligence artificielle.

 

I. Le terrain majeur de la conflictualité

 

Le cyberespace est devenu le terrain majeur des conflictualités, c’est-à-dire de tous types d’antagonismes qui vont de la simple dispute à l’affrontement. On distingue trois grands types de cyberpiraterie :

– Cyberpiraterie frauduleuse : vise à extorquer de l’argent.

– Cyberpiraterie de renseignement : consiste à collecter des informations et des connaissances à l’insu de la personne piratée.

– Cyberpiraterie stratégique : consiste à attaquer l’ennemi pour altérer en partie ses systèmes informatiques.

Ces trois grands types de cyberpiraterie mobilisent différents acteurs. Internet a un pouvoir égalisateur sur ces différents acteurs de la géopolitique. De simples individus peuvent s’ériger au rang d’acteurs majeurs face à des entreprises ou des États, c’est le cas des hackers comme le groupe Anonymous qui combat la mondialisation libérale depuis le début des années 2000. Ils sont capables de bloquer certains sites comme celui de l’OMS ou d’attaquer des États.

Il y a également de nouvelles armes. On les obtient par exemple via le dark web. Ces armes permettent d’accéder à de nouveaux types d’armes comme :

– les malwares qui infectent un système,

– les ransomwares qui permettent de bloquer un système pour demander une rançon,

– les chevaux de Troie qui permettent d’entrer dans des systèmes pour les espionner.

Les meilleurs hackers sont capables de mettre en réseau des machines et d’en prendre le contrôle pour faire des attaques massives.

 

II. Une nouvelle frontière stratégique pour les États

 

Il y a donc de nouveaux espaces d’enjeux stratégiques militaires. Pour les États, la cyberconflictualité change beaucoup de choses. Les paramètres stratégiques classiques ne fonctionnent plus. Les cyberattaques ne peuvent ni être anticipées, ni être facilement attribuées. On réplique donc difficilement face à ces attaques. Les paradigmes géostratégiques sont ainsi bouleversés.

Les États passent aussi à l’attaque. La cyberguerre peut être un moyen d’empêcher une guerre sur le terrain. En 2009-2010, l’envoi du cheval de Troie Stuxnet, par les États-Unis et Israël contre l’Iran pour bloquer le programme d’enrichissement de l’uranium pour des armes atomiques a permis d’éviter des frappes aériennes sur des centrales. Il n’empêche que l’Iran a voulu contre-attaquer ce virus très violent en tentant d’attaquer les barrages de l’État de New-York aux États-Unis.

Ce sont donc des pratiques de plus en plus courantes entre États qui permettent d’en arriver à la dernière extrémité de la guerre. Ainsi, la Russie emploie fréquemment des cyberattaques contre des pays récalcitrants qui passent par des hackers travaillant pour le gouvernement. Ils mènent ainsi des black-out comme en Estonie en 2007, en Géorgie en 2008, ou même en Ukraine pendant la guerre du Donbass.

Cette permanence de la guerre numérique nécessite de mettre en place une cyberdéfense. L’OTAN s’est doté d’un département de cyberdéfense dès 2008. Le siège a été symboliquement placé à Tallinn, en Estonie, pays qui avait été attaqué par la Russie. En France, il faut attendre 2013 pour avoir un livre blanc concernant la cyberdéfense et les années 2010 pour avoir la création des premiers organismes. À l’échelle nationale, on a l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information (ANSSI), créée récemment. Pour l’armée française, on a une division de cyberdéfense et la formation de 3 000 cybersoldats. Les effectifs devraient augmenter selon la loi de programmation militaire 2019-2025 à plus de 4 000 cybersoldats.

Pour le moment, la réponse des États à ces défis stratégiques est assez disséminée.   

 

III.  Une coopération internationale nécessaire et urgente

 

L’enjeu réside dans une coopération internationale de plus en plus urgente du fait de la recrudescence des cyberattaques alors même qu’avec l’intelligence artificielle les potentialités technologiques sont de plus en plus grandes. Pour le moment, peu de structures sont en place. En 1998, la Russie avait proposé à l’ONU une gouvernance du cyberespace mais les Américains s’y étaient opposés car leur avance était considérable et ils ne voulaient pas être freinés. Jusqu’à maintenant, ce sont donc des pratiques non-inscrites dans le droit international. Les États essaient d’éviter les représailles massives et l’escalade.

Une décision importante a été prise à l’ONU en 2013. Elle soumet le cyberespace à la charte des Nations unies, ainsi le même droit que pour les relations internationales y est appliqué. En 2018, les vingts premières cyberpuissances mondiales se sont entendues sur le principe de faire émerger une gouvernance internationale de l’Internet. Au début d’Internet, les pionniers voulaient un gouvernement sans gouvernement et avaient proclamés une déclaration d’indépendance vis-à-vis des États, mais aujourd’hui les États ont réinvesti ce champ. L’UE elle-même, en avance sur l’ONU, a signé et promulgué en 2011 la convention de Budapest sur la cybercriminalité qui doit permettre de combattre le crime organisé sur Internet.

 

Conclusion

 

Internet est en train de brouiller les distinctions habituelles entre paix et guerre, sécurité intérieure et extérieure. Les certitudes disparaissent avec l’émergence de ce que les spécialistes américains appellent le sharp power, un pouvoir ultra-technologique qui peut être aux mains d’un État mais aussi aux mains d’individus ou de collectifs qui peuvent bouleverser les relations internationales par leurs actions néfastes ou positives. Le cyberespace bouleverse en tout cas totalement les rapports de conflits et de coopérations dans le monde. 

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