« L’enfer c’est les autres », Sartre : explications et signification

« L’enfer c’est les autres », Sartre

Ce cours est issu du chapitre Citations qui traite de citations philosophiques connues. Celles-ci peuvent être données en exercice ou réutilisées dans les dissertations. Il est donc important de les connaître, de les situer et de savoir les interpréter. Ici, on aborde le point de vue de Jean-Paul Sartre concernant les autres.

« L’enfer c’est les autres », Sartre : ce que tu vas réviser

  1. La mésinterprétation commune de « L’enfer c’est les autres »
  2. L’analyse du regard
  3. Conséquences de cette analyse de regard

 

I. La mésinterprétation commune de « L’enfer c’est les autres »

Qui a dit « l’enfer c’est les autres » ?

« L’enfer c’est les autres » est une citation de Jean-Paul Sartre dans sa pièce de théâtre Huis Clos. Celle-ci a été publiée et représentée pour la première fois en 1944, à Paris.

Pourquoi Sartre a dit « l’enfer c’est les autres » ? Que signifie « l’enfer c’est les autres » ?

Pour commencer, il est intéressant de constater que Sartre disait toujours que cette citation avait été mal comprise. On a cru que Sartre voulait dire que les relations avec autrui étaient toujours infernales. Mais ce n’est pas du tout ce qu’a voulu dire Sartre, il faut revenir à son interprétation. Lui-même précise que si mes relations avec autrui sont viciées, alors l’autre ne peut être que l’enfer. Ceci pour une raison très profonde qui est qu’au fond, ce qui est le plus important pour nous-même et la connaissance que l’on a de nous-même, ce sont les autres. Autrement dit, c’est grâce aux autres que je peux avoir une connaissance, une conscience de qui je suis. Il y a donc un lien très étroit entre la conscience de soi et la présence d’autrui selon Sartre.

II. L’analyse du regard

Pour l’expliquer, il faut se référer à une analyse très célèbre que fait Jean-Paul Sartre dans l’essai philosophie L’être et le néant : l’analyse du regard. Que se passe-t-il quand je croise le regard de quelqu’un ? C’est à partir de la description de ce qui se passe à ce moment que Sartre vient à en formuler cette thèse de l’importance d’autrui.

A. La découverte de l’autre en tant que sujet

Il se passe en réalité deux choses quand je croise le regard de quelqu’un. On pourrait être tenté de croire que ce que je remarque, ce sont ses yeux, de telle sorte que je pourrais être en mesure ensuite d’en définir la couleur, la forme, etc. Mais ce n’est pas ce qui se passe. Sartre dit que quand je croise le regard de quelqu’un, je ne vois même pas ses yeux, puisque ce que je vois, c’est immédiatement un esprit. Je suis immédiatement mis en présence d’une conscience.

On connaît l’expression commune selon laquelle « les yeux sont le miroir de l’âme ». Cela signifie que les yeux, à cause de leur expressivité, nous renvoient directement à autre chose, font signe vers autre chose, l’âme, l’esprit de la personne, et ils rendent visibles l’invisible : l’âme.

C’est cette idée que défend Sartre : quand je croise le regard de quelqu’un, je suis mis directement en rapport avec son intériorité, son esprit. Quand je croise quelqu’un, je découvre l’autre non pas en tant que chose mais en tant que sujet, en tant qu’individu semblable à moi-même. Autrui, c’est cet autre qui est moi mais que je ne suis pas en même temps. C’est la première chose qui se passe quand je croise le regard de quelqu’un : je découvre l’autre en tant que sujet.

B. Être vu comme objet

Deuxième chose, quand je découvre l’autre en tant que sujet, en même temps je vois que je suis vu, personnellement. Ce que je vois dans le regard de l’autre, c’est que je suis vu comme jamais je ne peux me voir, c’est-à-dire de l’extérieur, c’est-à-dire comme objet. Or, le fait que je sois vu en tant qu’objet est ce qui va m’inciter à porter un regard sur moi-même. Si l’autre n’est pas là, alors je ne peux pas me voir. Mais si l’autre est là, alors je peux me voir à travers ses yeux. L’exemple célèbre de Sartre qui montre cela est celui de la honte. Imaginons, dit Sartre, que je sois en train de regarder par le trou d’une serrure des personnes qui discutent à voix basse. Si je suis seul et que je fais cela, alors je suis tout entier à ce que je fais, je suis absorbé par ce que je vois et je ne me vois pas en train de regarder. Imaginons ensuite que soudain, des personnes arrivent et me voient en train de faire cela : soudainement, j’ai honte. Du fait du regard de l’autre sur moi, je me vois en train de faire ce que je fais, et je me vois comme quelqu’un d’honteux.

C’est bien qu’il y a un lien très fort entre la présence d’autrui et la capacité que j’ai à porter un regard sur moi-même. Si je suis seul, je ne peux pas me voir : c’est ce que signifie l’expression « si tu te voyais », c’est impossible de se voir. Mais si l’autre est là, je me vois à travers ses yeux. On voit donc que pour Sartre, il y a bien un lien très fort entre la conscience et autrui. Au fond, ce que veut dire Sartre, c’est que dès lors que je porte un jugement sur qui je suis, je fais nécessairement intervenir le jugement que les autres ont de moi. Je ne peux pas en faire abstraction. Sartre va jusqu’à dire qu’autrui constitue un médiateur indispensable entre moi et moi-même.

 III. Conséquences de cette analyse du regard

De là, trois conséquences :

– Première conséquence, si je suis seul sur une île déserte, je n’ai aucune propriété : je ne suis ni généreux, ni égoïste, ni lâche, ni courageux, etc.

– Deuxième conséquence, on voit que Sartre se situe contre l’opinion commune puisqu’on entend souvent dire qu’il ne faut pas se soucier du regard d’autrui. Or, cela est vain selon Sartre, puisque ce n’est que par le regard d’autrui que je peux me voir et être quelque chose. L’idée selon laquelle le regard d’autrui doit nous laisser indifférent n’est pas envisageable dans l’optique sartrienne.

– Troisième conséquence, « l’enfer c’est les autres » seulement si mes relations avec autrui sont problématiques. J’ai toujours besoin d’autrui pour me définir. Cela veut dire qu’il ne faut pas fuir autrui, mais qu’il faut fuir certaines relations que me pétrifient dans une identité que je n’aime pas et qui me nuit.

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