La morale, le devoir - Partie 1

La morale est un ensemble de règles et de normes, qui permet de différencier le Bien du Mal et qui ordonne de choisir le Bien. Le devoir est une obligation qui incombe au sujet. Les deux notions sont très liées, puisque l’obligation est déterminée par la morale.

Quand on réfléchit à ces deux notions, il est capital de maîtriser le couple de contrainte/obligation. Une contrainte est ce qu’on doit faire sans avoir le choix de ne pas le faire. Par exemple, se nourrir, boire sont des contraintes, car on ne peux pas vivre sans le faire. Une obligation est ce qu’on doit faire en ayant le choix de ne pas le faire. Par exemple, dire la vérité. Il y a donc dans la contrainte une nécessité physique, alors qu’il y a de la liberté dans l’obligation.

À première vue, morale et devoir doivent être une question d’obligation. Pourtant, la morale est à l’origine une affaire de contrainte. C’est une affaire d’éducation : nos principes moraux qu’on tient pour évidents et spontanés à l’âge adulte nous ont été inculqués dans l’enfance par l’éducation. C’était une contrainte car leur non-respect entraînait une sanction.

 

I. Une affaire de contrainte

 

Dans un premier temps, on s’interroge sur le lien entre morale et contrainte.

Nietzsche s’est beaucoup interrogé sur la morale, entendue comme morale chrétienne, une morale qui condamne l’égoïsme, une morale du désintéressement et de la pitié. Elle est en réalité encore la nôtre, nous en avons hérité, même si elle s’est laïcisée. La question que pose Nietzsche à propos de cette morale est de savoir si elle est éternelle, inscrite dans le ciel des idées ou bien si elle est le fruit de l’Histoire, construction historique. Dans la généalogie de la morale, il fait œuvre d’historien et aboutit à la conclusion suivante : la morale chrétienne s’est imposée dans l’Histoire au terme d’un combat contre un autre système de valeur.

Cet autre système de valeur est celui de l’Antiquité. On ne pensait alors pas l’opposition de valeurs en termes de Bien et de Mal comme aujourd’hui mais en termes de bons et de mauvais. Les bons étaient les forts, les dominants et les mauvais étaient les esclaves, les dominés.

Selon Nietzsche, cette opposition de valeurs entre bons et mauvais aboutit chez les mauvais à une forme de jalousie. Les mauvais vont donc chercher à prendre le dessus sur les bons, sans recourir à la force physique qu’ils n’ont pas. Pour cela, ils vont inverser les valeurs : celui qui se comportait de la bonne manière chez les Anciens va être considéré comme celui qui se comporte mal, et celui qui se comportait de la mauvaise manière chez les Anciens va être considéré comme se comportant bien.

Autrement dit, les faibles vont faire de nécessité vertu, et la faiblesse va passer pour de l’humilité. Cette inversion des valeurs entraîne le fait que les faibles vont prendre le dessus sur les forts. Nietzsche pointe du doigt l’impureté de cette morale car elle repose sur un sentiment de jalousie. Selon lui, condamner quelqu’un moralement revient à manifester son ressentiment envers lui.

En mettant au jour que la morale chrétienne est une construction historique, Nietzsche montre qu’elle n’a rien d’un système de contraintes puisqu’elle n’est pas naturelle. Il a fallu éduquer l’Homme, parfois avec force et violence, à la morale chrétienne. Cette morale chrétienne est donc toute relative en tant que construction historique : la morale pourrait être toute autre. Les valeurs que l’on estime évidentes : le Bien et le Mal, le désintéressement, la condamnation de l’égoïsme, etc., sont des valeurs inscrites dans l’Histoire, qui, à ses yeux, peuvent être critiquées parce qu’en condamnant l’égoïsme et la force, on entrave la vie et donc on nuit à l’Homme.

La grande thèse d’un autre grand philosophe, Montaigne, est que la morale dépend des époques et des lieux. On parle de relativisme culturel : la morale serait relative. Montaigne montre que ce qu’on considère comme une pratique évidente n’est en réalité que le fruit de l’habitude. Pour Montaigne, il y a une dépendance sociale de nos opinions. Mais on l’ignore : c’est une forme d’inconscient social.

Cela conduit Montagne à adopter la thèse de la contingence de la morale, de sa relativité. Ce qui conduit à la tolérance, puisque celui qui n’est pas d’accord n’a pas forcément tort dans la mesure où la morale est toute relative. L’exemple de Sparte utilisé par Montaigne montre que dans la société spartiate, le vol était admis, voire favorisé. Aujourd’hui, le vol est totalement prohibé.

 

II. La morale : un sentiment inné 

 

Une fois que l’on a dit que la morale est une question de contraintes, d’éducation ou d’habitude, on se questionne sur son lien avec la relativité des mœurs avec l’idée selon laquelle il existerait des pratiques profondément choquantes comme la torture. Quand je suis face à ces pratiques, j’ai quelque chose en moi qui va faire que je suis choqué. Tout se passe donc comme s’il y avait en nous un principe inné de morale qui détermine la moralité d’une action.

C’est la grande idée défendue par Rousseau dans un texte intitulé Discours sur l’origine et les fondements des inégalités parmi les hommes, que l’on peut aussi appeler le Second Discours et publié en 1755. Dans ce texte, Rousseau cherche quelle est l’origine du Mal. Il va immédiatement se distinguer de la réponse traditionnelle qui n’est autre que la réponse religieuse : le mal existe parce que l’homme a péché, c’est le produit du péché originel.

Rousseau montre que le mal est en réalité une construction historique. C’est l’homme qui invente le mal dans l’Histoire. C’est une bonne nouvelle car si le Mal est une construction historique, il est contingent et peut disparaître.

Pour expliquer cette thèse, Rousseau distingue deux états pour l’Homme. Il décrit une fiction, l’état de nature, où l’Homme vit seul, ne vit pas en société entouré d’autres Hommes. Dans l’état de nature, l’homme à deux principes : la pitié, qui fait dire à Rousseau que l’homme peut avoir pitié pour son voisin et le secourir, et l’amour de soi, l’instinct de conservation.

C’est en passant à l’état civil que le mal apparaît. L’homme va être dénaturé et la pitié qui est en lui va être étouffée. Il y a un sentiment inné de pitié mais ce sentiment va être annihilé, réduit à néant, par le passage à l’état civil.

Il y a donc deux causes du Mal pour Rousseau, deux causes à cette pitié qui s’étouffe. La première cause est la réflexion, le raisonnement, le jugement de comparaison. Cela va provoquer une première mise à distance par rapport aux situations. Par exemple, quand j’assiste à une situation qui doit susciter en moi un sentiment qui me fait comprendre que je n’ai pas forcément bien agi. La réflexion s’oppose dans ce sens, chez Rousseau, au sentiment de pitié. La seconde cause du mal, est les hiérarchies qui sont inhérentes à toute société. La pitié repose sur l’intuition d’une égalité de condition entre tous les hommes. Or, le fait qu’il y ait des hiérarchies dans la société va faire que cette intuition va être annihilé par le passage de l’état de nature à l’état civil. Ce n’est pas pour autant qu’il n’y a pas de principes moraux innés, reposant sur la pitié, qu’une juste société et une juste éducation doit révéler.

 

III. Morale et raison

 

Chez Rousseau, la morale repose sur un sentiment inné. Le problème est que ce sentiment ne semble pas suffisamment fort, voire un peu trop indéterminé, pour fonder une morale qui soit efficace. C’est la raison pour laquelle on peut se demander s’il n’est pas possible de fonder la morale sur la raison.

Il y a ici deux grandes thèses concurrentes. Quand je veux fonder la morale sur la raison, je peux prendre en compte deux choses. Soit les conséquences de l’action, soit les intentions.

 

A. Conséquentialisme

Dans le cas d’une prise en compte des conséquences, on parle de conséquentialisme. La thèse est très simple : il faut calculer les avantages et les inconvénients des conséquences de ce que je vais faire pour fonder mes choix. S’il y a plus de bien que de mal, alors je vais agir. Sinon je n’agirai pas.

Simplement, cette thèse rencontre rapidement des limites. En effet, on peut se demander si le calcul des avantages/inconvénients est réellement possible ou non. Il y a toujours des conséquences que je ne peux pas prendre en compte. Peut-être que le calcul est infini, car il peut y avoir toujours une conséquence à la conséquence.

De plus, le conséquentialisme suppose l’impartialité : je ne dois pas accorder plus de valeur à mes proches et à mon entourage dans le calcul des conséquences. Or, cela est difficile, car je suis conduit assez naturellement à la partialité en accordant un avantage aux gens dont je suis le plus proche.

 

B. Déontologisme

C’est la raison pour laquelle, à côté du conséquentialisme, je peux penser une autre morale fondée sur l’intention. On parle de déontologisme. La référence à maîtriser ici est Emmanuel Kant, philosophe du XVIIIe siècle. Pour Kant, c’est l’intention seule qui permet de déterminer la moralité d’une action. Les conséquences ne doivent pas être prises en compte pour dire si ce que j’ai fait est bien ou mal.

Kant distingue une action conformément au devoir et une action par pur devoir. Par exemple, un commerçant se demande s’il doit rendre la monnaie exacte à ceux qui viennent lui acheter un produit. Si le commerçant rend la monnaie exacte, en se disant que s’il ne le faisait pas, cela risquerait de nuire à son commerce, il agit conformément au devoir, car il agit pour servir un intérêt particulier. Il n’agit pas par respect de la morale. Si en revanche le commerçant rend la monnaie en se disant qu’il est moral de le faire quelles que soient les conséquences, alors il agit par devoir, par respect de la morale.

C’est la différence que fait Kant entre un impératif hypothétique et un impératif catégorique. Quand dans ma tête mon intention se formule de la manière suivante : « si je veux… alors je dois… », par exemple « si je veux conserver ma réputation alors je dois rendre la monnaie », j’agis conformément au devoir, c’est un impératif hypothétique puisque la loi à laquelle j’obéis est subordonnée à une condition. En revanche, si le commerçant dit « je dois rendre la monnaie », si son intention est celle-ci quelles que soient les conséquences, alors il agit dans un impératif catégorique, c’est la morale et l’obligation qui le motivent.

Le déontologisme a lui aussi certaines limites. Je ne dois pas prendre en compte les conséquences, mais ces conséquences peuvent être désastreuses et immorales. En effet, Benjamin Constant qui s’oppose à Kant donne l’exemple du mensonge. Je suis obligé de dire la vérité, constamment et quelles que soient les conséquences. Mais imaginons que je cache un innocent chez moi, et que la police vienne frapper chez moi. Si j’agis en tant que déontologiste, si j’agis par respect pour la morale je dois dire la vérité. Or, la conséquence serait désastreuse puisque je livrerais un innocent à la police.

Kant répond que même dans cette situation, il faut dire la vérité pour l’obligation morale. En mentant, la police pourrait s’en rendre compte, et les conséquences seraient alors encore pires pour tout le monde.

La morale, le devoir - Partie 2

La morale est un ensemble de règles et de normes, qui permet de différencier le Bien du Mal et qui ordonne de choisir le Bien. Le devoir est une obligation qui incombe au sujet. Les deux notions sont très liées, puisque l’obligation est déterminée par la morale.

Quand on réfléchit à ces deux notions, il est capital de maîtriser le couple de contrainte/obligation. Une contrainte est ce qu’on doit faire sans avoir le choix de ne pas le faire. Par exemple, se nourrir, boire sont des contraintes, car on ne peux pas vivre sans le faire. Une obligation est ce qu’on doit faire en ayant le choix de ne pas le faire. Par exemple, dire la vérité. Il y a donc dans la contrainte une nécessité physique, alors qu’il y a de la liberté dans l’obligation.

À première vue, morale et devoir doivent être une question d’obligation. Pourtant, la morale est à l’origine une affaire de contrainte. C’est une affaire d’éducation : nos principes moraux qu’on tient pour évidents et spontanés à l’âge adulte nous ont été inculqués dans l’enfance par l’éducation. C’était une contrainte car leur non-respect entraînait une sanction.

 

I. Une affaire de contrainte

 

Dans un premier temps, on s’interroge sur le lien entre morale et contrainte.

Nietzsche s’est beaucoup interrogé sur la morale, entendue comme morale chrétienne, une morale qui condamne l’égoïsme, une morale du désintéressement et de la pitié. Elle est en réalité encore la nôtre, nous en avons hérité, même si elle s’est laïcisée. La question que pose Nietzsche à propos de cette morale est de savoir si elle est éternelle, inscrite dans le ciel des idées ou bien si elle est le fruit de l’Histoire, construction historique. Dans la généalogie de la morale, il fait œuvre d’historien et aboutit à la conclusion suivante : la morale chrétienne s’est imposée dans l’Histoire au terme d’un combat contre un autre système de valeur.

Cet autre système de valeur est celui de l’Antiquité. On ne pensait alors pas l’opposition de valeurs en termes de Bien et de Mal comme aujourd’hui mais en termes de bons et de mauvais. Les bons étaient les forts, les dominants et les mauvais étaient les esclaves, les dominés.

Selon Nietzsche, cette opposition de valeurs entre bons et mauvais aboutit chez les mauvais à une forme de jalousie. Les mauvais vont donc chercher à prendre le dessus sur les bons, sans recourir à la force physique qu’ils n’ont pas. Pour cela, ils vont inverser les valeurs : celui qui se comportait de la bonne manière chez les Anciens va être considéré comme celui qui se comporte mal, et celui qui se comportait de la mauvaise manière chez les Anciens va être considéré comme se comportant bien.

Autrement dit, les faibles vont faire de nécessité vertu, et la faiblesse va passer pour de l’humilité. Cette inversion des valeurs entraîne le fait que les faibles vont prendre le dessus sur les forts. Nietzsche pointe du doigt l’impureté de cette morale car elle repose sur un sentiment de jalousie. Selon lui, condamner quelqu’un moralement revient à manifester son ressentiment envers lui.

En mettant au jour que la morale chrétienne est une construction historique, Nietzsche montre qu’elle n’a rien d’un système de contraintes puisqu’elle n’est pas naturelle. Il a fallu éduquer l’Homme, parfois avec force et violence, à la morale chrétienne. Cette morale chrétienne est donc toute relative en tant que construction historique : la morale pourrait être toute autre. Les valeurs que l’on estime évidentes : le Bien et le Mal, le désintéressement, la condamnation de l’égoïsme, etc., sont des valeurs inscrites dans l’Histoire, qui, à ses yeux, peuvent être critiquées parce qu’en condamnant l’égoïsme et la force, on entrave la vie et donc on nuit à l’Homme.

La grande thèse d’un autre grand philosophe, Montaigne, est que la morale dépend des époques et des lieux. On parle de relativisme culturel : la morale serait relative. Montaigne montre que ce qu’on considère comme une pratique évidente n’est en réalité que le fruit de l’habitude. Pour Montaigne, il y a une dépendance sociale de nos opinions. Mais on l’ignore : c’est une forme d’inconscient social.

Cela conduit Montagne à adopter la thèse de la contingence de la morale, de sa relativité. Ce qui conduit à la tolérance, puisque celui qui n’est pas d’accord n’a pas forcément tort dans la mesure où la morale est toute relative. L’exemple de Sparte utilisé par Montaigne montre que dans la société spartiate, le vol était admis, voire favorisé. Aujourd’hui, le vol est totalement prohibé.

 

II. La morale : un sentiment inné 

 

Une fois que l’on a dit que la morale est une question de contraintes, d’éducation ou d’habitude, on se questionne sur son lien avec la relativité des mœurs avec l’idée selon laquelle il existerait des pratiques profondément choquantes comme la torture. Quand je suis face à ces pratiques, j’ai quelque chose en moi qui va faire que je suis choqué. Tout se passe donc comme s’il y avait en nous un principe inné de morale qui détermine la moralité d’une action.

C’est la grande idée défendue par Rousseau dans un texte intitulé Discours sur l’origine et les fondements des inégalités parmi les hommes, que l’on peut aussi appeler le Second Discours et publié en 1755. Dans ce texte, Rousseau cherche quelle est l’origine du Mal. Il va immédiatement se distinguer de la réponse traditionnelle qui n’est autre que la réponse religieuse : le mal existe parce que l’homme a péché, c’est le produit du péché originel.

Rousseau montre que le mal est en réalité une construction historique. C’est l’homme qui invente le mal dans l’Histoire. C’est une bonne nouvelle car si le Mal est une construction historique, il est contingent et peut disparaître.

Pour expliquer cette thèse, Rousseau distingue deux états pour l’Homme. Il décrit une fiction, l’état de nature, où l’Homme vit seul, ne vit pas en société entouré d’autres Hommes. Dans l’état de nature, l’homme à deux principes : la pitié, qui fait dire à Rousseau que l’homme peut avoir pitié pour son voisin et le secourir, et l’amour de soi, l’instinct de conservation.

C’est en passant à l’état civil que le mal apparaît. L’homme va être dénaturé et la pitié qui est en lui va être étouffée. Il y a un sentiment inné de pitié mais ce sentiment va être annihilé, réduit à néant, par le passage à l’état civil.

Il y a donc deux causes du Mal pour Rousseau, deux causes à cette pitié qui s’étouffe. La première cause est la réflexion, le raisonnement, le jugement de comparaison. Cela va provoquer une première mise à distance par rapport aux situations. Par exemple, quand j’assiste à une situation qui doit susciter en moi un sentiment qui me fait comprendre que je n’ai pas forcément bien agi. La réflexion s’oppose dans ce sens, chez Rousseau, au sentiment de pitié. La seconde cause du mal, est les hiérarchies qui sont inhérentes à toute société. La pitié repose sur l’intuition d’une égalité de condition entre tous les hommes. Or, le fait qu’il y ait des hiérarchies dans la société va faire que cette intuition va être annihilé par le passage de l’état de nature à l’état civil. Ce n’est pas pour autant qu’il n’y a pas de principes moraux innés, reposant sur la pitié, qu’une juste société et une juste éducation doit révéler.

 

III. Morale et raison

 

Chez Rousseau, la morale repose sur un sentiment inné. Le problème est que ce sentiment ne semble pas suffisamment fort, voire un peu trop indéterminé, pour fonder une morale qui soit efficace. C’est la raison pour laquelle on peut se demander s’il n’est pas possible de fonder la morale sur la raison.

Il y a ici deux grandes thèses concurrentes. Quand je veux fonder la morale sur la raison, je peux prendre en compte deux choses. Soit les conséquences de l’action, soit les intentions.

 

A. Conséquentialisme

Dans le cas d’une prise en compte des conséquences, on parle de conséquentialisme. La thèse est très simple : il faut calculer les avantages et les inconvénients des conséquences de ce que je vais faire pour fonder mes choix. S’il y a plus de bien que de mal, alors je vais agir. Sinon je n’agirai pas.

Simplement, cette thèse rencontre rapidement des limites. En effet, on peut se demander si le calcul des avantages/inconvénients est réellement possible ou non. Il y a toujours des conséquences que je ne peux pas prendre en compte. Peut-être que le calcul est infini, car il peut y avoir toujours une conséquence à la conséquence.

De plus, le conséquentialisme suppose l’impartialité : je ne dois pas accorder plus de valeur à mes proches et à mon entourage dans le calcul des conséquences. Or, cela est difficile, car je suis conduit assez naturellement à la partialité en accordant un avantage aux gens dont je suis le plus proche.

 

B. Déontologisme

C’est la raison pour laquelle, à côté du conséquentialisme, je peux penser une autre morale fondée sur l’intention. On parle de déontologisme. La référence à maîtriser ici est Emmanuel Kant, philosophe du XVIIIe siècle. Pour Kant, c’est l’intention seule qui permet de déterminer la moralité d’une action. Les conséquences ne doivent pas être prises en compte pour dire si ce que j’ai fait est bien ou mal.

Kant distingue une action conformément au devoir et une action par pur devoir. Par exemple, un commerçant se demande s’il doit rendre la monnaie exacte à ceux qui viennent lui acheter un produit. Si le commerçant rend la monnaie exacte, en se disant que s’il ne le faisait pas, cela risquerait de nuire à son commerce, il agit conformément au devoir, car il agit pour servir un intérêt particulier. Il n’agit pas par respect de la morale. Si en revanche le commerçant rend la monnaie en se disant qu’il est moral de le faire quelles que soient les conséquences, alors il agit par devoir, par respect de la morale.

C’est la différence que fait Kant entre un impératif hypothétique et un impératif catégorique. Quand dans ma tête mon intention se formule de la manière suivante : « si je veux… alors je dois… », par exemple « si je veux conserver ma réputation alors je dois rendre la monnaie », j’agis conformément au devoir, c’est un impératif hypothétique puisque la loi à laquelle j’obéis est subordonnée à une condition. En revanche, si le commerçant dit « je dois rendre la monnaie », si son intention est celle-ci quelles que soient les conséquences, alors il agit dans un impératif catégorique, c’est la morale et l’obligation qui le motivent.

Le déontologisme a lui aussi certaines limites. Je ne dois pas prendre en compte les conséquences, mais ces conséquences peuvent être désastreuses et immorales. En effet, Benjamin Constant qui s’oppose à Kant donne l’exemple du mensonge. Je suis obligé de dire la vérité, constamment et quelles que soient les conséquences. Mais imaginons que je cache un innocent chez moi, et que la police vienne frapper chez moi. Si j’agis en tant que déontologiste, si j’agis par respect pour la morale je dois dire la vérité. Or, la conséquence serait désastreuse puisque je livrerais un innocent à la police.

Kant répond que même dans cette situation, il faut dire la vérité pour l’obligation morale. En mentant, la police pourrait s’en rendre compte, et les conséquences seraient alors encore pires pour tout le monde.

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