Vaccins et stimulation de la mémoire immunitaire
I. Principes de la vaccination
Le principe de la vaccination a été découvert par Édouard Jenner à la fin du XVIIIe siècle et complété par les travaux de Louis Pasteur au XIXe siècle. Le premier vaccin actif a été mis en place par Pasteur en 1885. Il s’agissait du vaccin contre la rage.
Le mot « vaccination » vient des découvertes d’Édouard Jenner qui s’était rendu compte que certaines populations qui étaient au contact de bovins souffrant d’une variante bovine de la variole (la vaccine) étaient ensuite, en quelque sorte protégés, contre la variole humaine. La vaccine était la maladie bovine, elle était peu grave pour l’homme et les personnes qui avaient été au contact de cette vaccine avaient stimulé leur mémoire immunitaire et se trouvaient ensuite secondairement défendues dans leur système immunitaire contre la variole humaine. Ces personnes ne mouraient pas de la variole alors que cette maladie faisait des ravages dans la population à son époque.
II. Contenu des vaccins
Les vaccins sont des injections d’une molécule ou d’un cocktail de molécules préventives, c’est-à-dire qu’on vaccine par exemple les jeunes enfants en prévision pour leur éviter de tomber malade.
A. Molécules immunogènes mais non pathogènes
Le vaccin contient toujours des molécules immunogènes mais non pathogènes :
– Immunogène veut dire que les molécules sont reconnues comme du non soi dans l’organisme. Cela est interprété comme une stimulation des défenses immunitaires. En effet, cette substance immunogène provoque une réaction immunitaire adaptative spécifique. Il y a donc rencontre entre les antigènes contenus dans le vaccin et le système immunitaire. Ce système immunitaire va répondre de façon efficace. Il y a production de lymphocytes, éventuellement d’anticorps, mais surtout de lymphocytes mémoire : des lymphocytes B et ou des lymphocytes T mémoire. Or, on a vu que ces lymphocytes permettent à l’organisme de se défendre de façon efficace et rapide, lorsqu’on rencontre une deuxième fois le même antigène. Donc la production de lymphocytes B et lymphocytes T mémoire est le but même du vaccin. Il va permettre de protéger l’individu à long terme puisque le vaccin va stimuler la mémoire et qu’ensuite cette mémoire est conservée pendant des semaines, des mois et des années.
– Non pathogène car le vaccin ne rend pas malade. En effet, il contient différentes molécules qui vont stimuler mais qui ne vont pas stimuler le système immunitaire autant que l’antigène réel. Ainsi, on a une réaction immunitaire sans avoir les symptômes très prononcés de la maladie en question.
B. Vaccins vivants atténués
Les vaccins vivants atténués contiennent les microbes (bactéries ou virus) mais sous une forme moins pathogène qu’ils ne pourraient l’être dans la nature. C’est par exemple le cas des vaccins contre la rougeole.
C. Vaccins inertes
Dans les vaccins inertes, on peut trouver différents contenus :
– Ils peuvent contenir des pathogènes qui ont été tués mais malgré le fait qu’ils soient morts, ils vont quand même stimuler le système immunitaire. C’est le cas par exemple du vaccin contre le choléra ou encore contre la poliomyélite.
– Ils peuvent contenir des anatoxines, c’est-à-dire des toxines (molécules toxiques produites par un pathogène) mais sous une forme moins dangereuse, moins virulente. Ces anatoxines ont été légèrement modifiées pour être moins dangereuses que la toxine réelle. C’est par exemple le cas du vaccin contre le tétanos qui contient de l’anatoxine tétanique.
– Ils peuvent contenir des molécules microbiennes, c’est-à-dire simplement des extraits de bactéries ou de virus suffisants pour stimuler le système immunitaire mais qui ne rendent pas malade. C’est par exemple le cas du vaccin contre la grippe, notamment celui qui sort à chaque automne et qu’on propose pour se défendre contre la grippe saisonnière au moment de l’hiver.
Attention, les vaccins inertes nécessitent souvent des rappels. Ils ne sont pas aussi efficaces que les vaccins vivants atténués.
D. Mélanges et adjuvants
Souvent quand on est vacciné, notamment pour les jeunes enfants, il y a des mélanges de vaccins. Par exemple, le ROR est un vaccin qui mélange des vaccins vivants atténués et qui permet de se défendre contre la rougeole, les oreillons et la rubéole.
Un vaccin peut éventuellement contenir un ou des adjuvants. Les adjuvants sont des molécules chimiques ajoutées aux substances immunogènes. Ces molécules chimiques sont reconnues par les récepteurs PRR qui se trouvent sur certains de nos globules blancs et qui permettent le déclenchement d’une réaction inflammatoire non spécifique. L’intérêt de cette réaction inflammatoire est de stimuler l’ensemble du système immunitaire et donc de rendre plus efficaces les substances immunogènes qu’on a placées dans le vaccin. Il y a ainsi une réaction inflammatoire spécifique qui va même précéder la réaction adaptative spécifique déclenchée par les molécules vaccinales. Il y a donc une activation du système immunitaire. Celle-ci est réalisée souvent par des sels d’aluminium qui vont déclencher une réaction inflammatoire ou éventuellement par une molécule chimique de synthèse qui s’appelle le squalène.
Résumé
Le vaccin est une injection qui peut se faire en une ou plusieurs fois (parfois il faut des rappels), qui contient des substances qui vont déclencher une réaction immunitaire adaptative. Cette réaction adaptative permet la production de lymphocytes mémoire. Ce sont des cellules spécialisées à durée de vie très longue et qui permettent de protéger l’individu à long terme contre une maladie ou plusieurs, si le vaccin contient plusieurs agents vaccinant. Ce vaccin peut aussi contenir des adjuvants qui vont accentuer la réaction immunitaire qui vont la rendre plus efficace, plus facile et qui vont donc augmenter l’efficacité du vaccin.
Le phénotype immunitaire et son évolution au cours de la vie
I. Définitions
– Le phénotype est l’ensemble des caractéristiques que l’on peut observer chez un individu. Elles peuvent être observées à différentes échelles : de l’échelle macroscopique (ce qu’on voit à l’œil nu) à l’échelle cellulaire voire moléculaire.
– Le phénotype immunitaire rassemble donc toutes les caractéristiques observables (à un moment donné de la vie d’un individu) qui concernent son système immunitaire. Cela peut être l’état des organes de son système immunitaire, notamment la moelle osseuse, le thymus, la rate, les ganglions lymphatiques, mais cela peut être aussi le contenu cellulaire de ce système immunitaire et en particulier la présence de lymphocytes B et de lymphocytes T (T4 ou T8). Ce sont les cellules spécialisées dans les réactions immunitaires adaptatives mais aussi la présence d’anticorps, la quantité de chacun de ces lymphocytes et la présence ou l’absence de lymphocytes mémoires qui vont permettre une défense de l’organisme à long terme.
II. Exemple d’évolution du phénotype immunitaire chez deux individus
Sur le schéma, on a représenté deux individus (un individu 1 et un individu 2) qui possèdent des cellules du système immunitaire et on a représenté par des ronds colorés un type de cellules immunitaires présent à un instant donné de la vie de chaque individu. Le temps se déroule du haut vers le bas, on a donc deux individus qui, au moment de leur naissance et de leur petite enfance, vont posséder un même génome. Si ce sont deux individus humains, ils possèdent 25 000 gènes humains environ mais différents génotypes : chacun possède sa propre combinaison allélique.
À partir de leur génome et de leur génotype, ces individus vont produire un certain stock de lymphocytes naïfs : des lymphocytes immunocompétents (capables de nous défendre contre les antigènes et le non-soi). En utilisant son propre patrimoine génétique, chaque individu va produire son propre stock de lymphocytes naïfs. Si on compare les stocks des individus 1 et 2, ils peuvent avoir des points communs mais aussi des différences liées à leurs génotypes différents.
A. Des événements différents par individus
Ces deux individus vont subir des événements au fur et à mesure de leur vie notamment des vaccinations (puisqu’on vaccine au cours de la petite enfance en France). Supposons que les deux individus subissent une vaccination contre le tétanos. Cela va sélectionner, dans leur stock de lymphocytes compétents mais naïfs, un certain type de lymphocytes (ceux qui permettent de se défendre contre le tétanos). Il va donc y avoir sélection, prolifération et constitution d’un stock de lymphocytes mémoires permettant de se défendre contre le tétanos.
Imaginons que l’individu 1 tombe malade une première fois, avec la rencontre d’un antigène A qui va stimuler son système immunitaire et sélectionner parmi son stock de lymphocytes naïfs des lymphocytes adaptés pour le défendre contre cet antigène A. Si l’individu 1 rencontre l’antigène A, il va donc y avoir une modification de son stock de lymphocytes, ce qui n’est pas forcément le cas chez l’individu 2.
Imaginons que l’individu 2 rencontre aussi un antigène B qui n’est pas le même que l’antigène A, et cela va encore une fois sélectionner et faire proliférer un type de lymphocytes chez l’individu 2 en particulier, mais pas chez les autres individus qui ne rencontrent pas cet antigène.
On peut imaginer que l’individu 1 décide un jour de se faire vacciner contre l’hépatite B à l’occasion d’un voyage par exemple. Cela va encore sélectionner de nouveaux lymphocytes, de nouvelles cellules immunitaires chez lui et pas chez l’autre individu.
B. Résultat de cette évolution du phénotype
Aperçu actuel du phénotype immunitaire (ensemble du système immunitaire des deux individus) : on est parti de stocks de cellules différents puis ce stock a évolué en fonction d’interventions médicales (vaccinations) mais aussi en fonction des aléas de la vie et des rencontres avec des antigènes (antigène A et antigène B). Dans le stock de chaque individu, on observe une évolution par rapport à ce qui existait au départ. Certaines cellules ont proliféré et elles constituent donc un stock plus important désormais. D’autres ont disparu, par exemple une cellule peut disparaître parce que sa durée de vie était limitée ou parce que l’antigène contre lequel elle aurait pu se défendre n’a pas été rencontré. Le stock de cellules défensives de l’individu 1 n’est pas le même que lors de sa petite enfance et a évolué en fonction de ses vaccinations et de ses rencontres avec des antigènes. Au niveau de l’individu 2, le stock actuel n’est pas le même qu’au début et n’est pas le même que celui de l’individu 1.
Bilan
Le phénotype immunitaire est l’ensemble de tout ce qu’on peut observer dans le système immunitaire d’un individu : des organes et des cellules qui permettent de le défendre contre différents pathogènes. Ce phénotype immunitaire est propre à chaque individu et il est déterminé génétiquement, parce que nous sommes capables de produire des cellules et des organes immunitaires, mais il évolue au cours de la vie en fonction des vaccinations et de nos différentes rencontres avec les antigènes.
L'immunothérapie
Immunothérapie : ensemble de techniques médicales faisant appel à des cellules ou des molécules de type immunitaire et qui permettent d’envisager des traitements particuliers de patients, notamment dans le cas de certains cancers. Pour cela, on réalise des vaccins thérapeutiques.
I. Vaccins thérapeutiques
Pour rappel, les vaccins préventifs stimulent la mémoire immunitaire, ce sont des injections d’un pathogène, d’un extrait de pathogène ou d’un pathogène rendu inoffensif, etc., qui permettent de stimuler la production de lymphocytes mémoires.
Les vaccins thérapeutiques tentent d’activer, non pas la mémoire immunitaire à long terme, mais immédiatement le système immunitaire, ils vont essayer de rendre plus actif un système immunitaire qui est défaillant notamment face aux cancers, par exemple. La particularité de ces vaccins thérapeutiques, c’est leur adaptabilité, leur personnalisation : on utilise les molécules et les cellules du patient qu’on modifie, qu’on transforme et qu’on lui réinjecte. Ainsi, chaque individu peut avoir un traitement personnalisé lorsque cela est possible.
L’immunothérapie constitue une piste thérapeutique actuelle très prometteuse. Ces pistes sont explorées depuis plusieurs années déjà mais il y a de très nombreuses études en cours et c’est donc un espoir dans le traitement de maladies graves et souvent incurables, notamment pour certains des cas de cancer.
II. Principe de l’immunothérapie
Première étape
Le principe de l’immunothérapie repose d’abord sur le prélèvement de cellules sur le patient malade, qui sont des cellules tumorales dans le cas d’un cancer, mais aussi des cellules du système immunitaire, notamment des lymphocytes et éventuellement des molécules, comme des anticorps.
Deuxième étape
Il y a une mise en culture avec éventuellement des traitements réalisés sur ces cellules. Tout cela se fait in vitro avec un certain délai, de façon à obtenir un stock de cellules légèrement modifiées et utilisables ensuite pour traiter le patient.
Troisième étape
On réinjecte à la personne différentes choses selon le traitement en cours :
– On peut réinjecter des antigènes tumoraux, donc des marqueurs de cellules tumorales, qu’on réinjecte avec des adjuvants. Un adjuvant est une molécule qui a pour but de stimuler les réactions immunitaires inflammatoires. Elles vont donc provoquer une réaction rapide du système immunitaire, ce qui va aussi permettre d’enclencher secondairement la réaction adaptative.
– On peut utiliser des cellules immunitaires modifiées, notamment certaines cellules dendritiques ou bien certains lymphocytes T cytotoxiques. Ainsi, selon le type de maladie et même selon le type de cancer, on utilise différentes cellules.
– On peut réinjecter certaines molécules immunitaires qui vont encore aller stimuler les défenses immunitaires de l’individu. On peut injecter par exemple des interleukines qui sont des cytokines, ou bien des anticorps, certains anticorps qui vont être particulièrement utiles.
III. Étude d’un exemple avec injection d’anticorps pour lutter contre des cellules tumorales
Les cellules tumorales sont particulières puisqu’elles ne viennent pas d’un pathogène extérieur, ce sont des cellules du soi, mais du soi modifié. Elles ont la particularité de proliférer, c’est-à-dire de se diviser de façon incontrôlée, ce qui crée les tumeurs et donc des dysfonctionnements dans tout l’organisme.
Une cellule tumorale est donc une cellule « à soi » mais qui ne fonctionne pas comme une cellule normale. En tant que cellule malade, anormale, elle possède à sa surface des antigènes, c’est-à-dire des marqueurs de tumeur, des antigènes tumoraux. Ces antigènes tumoraux sont présentés en surface comme des étiquettes par l’intermédiaire de cette molécule du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH). Cet antigène tumoral va jouer son rôle d’étiquette, porté par le CMH, il va faire jouer à la cellule tumorale le rôle de cellule présentatrice d’antigène et va donc être reconnu par une cellule (par exemple une cellule dendritique), ce qui va déclencher la réponse immunitaire adaptative et la production comme pour toute cellule malade, de lymphocytes T cytotoxiques. On est ici dans une réaction immunitaire classique.
Le problème est que cette cellule tumorale porte aussi à sa surface des marqueurs qui font partie du soi. Ces marqueurs sont appelés PDL1, par exemple. Ils sont reconnus pas les lymphocytes T cytotoxiques qui possèdent des récepteurs PD1 et l’association PDL1 sur son récepteur PD1 va aboutir à l’inhibition du lymphocyte T cytotoxique. Ainsi, le lymphocyte T cytotoxique qui aurait pu détruire cette cellule malade ne va pas la détruire, ou de façon peu efficace.
Ces marqueurs correspondent aussi aux marqueurs que possèdent par exemple les cellules présentatrices d’antigène qui, elles, permettent d’enclencher les réactions adaptatives mais ne sont pas détruites par les lymphocytes T cytotoxiques. Autrement dit, la cellule tumorale est une cellule malade qui déclenche la production de cellules qui pourraient permettre de la détruire mais qui inhibe l’action de la cellule qui la détruirait. Ainsi, la cellule tumorale va pouvoir proliférer et la tumeur va se mettre en place.
Dans l’immunothérapie, on peut essayer de produire des anticorps monoclonaux, obtenus en laboratoire par un traitement particulier de cellules : une fusion entre des lymphocytes B (différenciés en plasmocytes et qui pourront produire des anticorps) et des cellules tumorales. On obtient ainsi de grands stocks d’anticorps réinjectés au patient.
Ici, on peut essayer de traiter le patient avec des anticorps qui vont aller inhiber, soit le marqueur PDL1, soit éventuellement selon les patients, le récepteur PD1. Quoi qu’il en soit, les anticorps empêcheront cette fixation, donc empêcheront le LTc (lymphocyte T cytotoxique) de reconnaître la cellule tumorale comme du soi ou, en tout cas, empêcheront la cellule tumorale d’inhiber le LTc. De cette façon, le LTc pourra jouer son rôle cytotoxique et donc détruire la cellule malade.
Ainsi, par l’injection d’anticorps monoclonaux, on constate qu’on peut essayer de détourner cette action inhibitrice des cellules tumorales sur notre système immunitaire. Dans le cas de certains cancers des ovaires, on utilise ces anticorps qui vont finir par activer les lymphocytes qui ne l’étaient pas assez à cause des cellules tumorales. Selon le type de cancer, on a recours à différents types d’injection.
Enfin, il faut noter qu’actuellement tous les cancers ne peuvent pas être traités par immunothérapie et que des pistes de recherche sont encore nombreuses, de très nombreuses études sont actuellement en cours sur des patients pour essayer de développer ces techniques d’immunothérapie.